vendredi, avril 14, 2006

8e partie: captive

Le scanner indiquait des zones encore inexplorées, et dans l’une d’elles se trouvait Cecil Zender. Alors que le reste du groupe gravit un pallier (sur lequel se trouvent des hauts calibres d’armes arrimés au sol (il ne peut pas en être autrement : ils sont conçus ainsi)) et pointés en direction des tanks, Karen reste un peu plus longtemps dans la pièce. Personne n’a remarqué son absence. Vous la voyez approcher du tank le plus imposant, un sourire aux lèvres : quel mauvais coup a-t-elle en tête ? Vous la voyez fouiller dans son petit sac hermétique et en sortir… ce qui a l’air d’être un bloc de plastique (… ou de la pâte à modeler ?) et commencer à en mettre un peu partout sur et sous le tank. Qu’est-ce que c’est que cette folie ?

Celle qui vous a invité dans cette aventure a l’air de franchement amuser :

Avez-vous déjà entendu parler de C4 ? C’est du plastique explosif. Mon plan consistait à disposer des charges explosives sur le plus gros des tanks pour ainsi causer une réaction à la chaîne lors de l’explosion. Détruire plusieurs tanks avec peu de choses… Ne croyez-vous pas que ça leur aurait causé beaucoup d’ennuis ? (La voilà qui redevient sérieuse : ) Mais les choses ne se sont pas terminées aussi bien que prévues…

Pénétrant dans la salle par la porte extérieure, se faufilant dans l’ombre, quelques soldats ont commencé leur approche en direction de la jeune femme, qui ne les avait pas encore repéré : dès qu’ils ont eu une ligne de mire sur la cible, ils ont commencé à tirer. L’elfe a essayé d’esquiver les balles et de riposter, mais a ensuite tenté de fuir en reconnaissant sa situation comme sans issue. À découvert et dans l’impossibilité de se défendre, la course de Karen a été interrompue par une balle enfoncée dans son flanc : sous la violence du coup, la magicienne s’est retrouvée face première contre le sol. Les soldats commencent à l’encercler, leurs armes pointées dans sa direction. Dans un dernier geste (un peu suicidaire), Karen fouille dans sa poche, probablement à la recherche du détonateur ; un soldat tire juste devant elle à titre dissuasif. Karen arrête son geste… et arrive malgré tout à atteindre le détonateur ; mais quelqu’un arrive derrière elle et lui balance un coup de crosse, lui fait perdre conscience. Deux des hommes (dont un troll ?) commencent à la traîner en direction du tank piégé, pendant que les deux autres vont aux cracheuses sur le palier.

Hmm… (Vous vous retournez et surprenez la mine triste et un peu inquiète de votre conteuse : ) … Le plan était pourtant excellent, mais, visiblement, il ne pouvait pas s’appliquer en solo… On ne m’a pas tué : on m’a fait prisonnière et j’ai eu droit à un… avant-goût de ce qui m’aurait attendu si ma captivité aurait été plus longue…

Vous la voyez lever une main et claquer des doigts : du coup, vous vous retrouvez tous les deux dans un autre endroit, avec très peu de lumière. Il vous faut d’ailleurs une dizaine de secondes pour vous adapter à la pénombre et vous vous frottez d’ailleurs les yeux pour accélérer le processus. Quand vous les ouvrez à nouveau, vous constatez avec soulagement que votre conteuse est à vos côtés… mais que vous vous trouvez dans un espace beaucoup plus restreint. À vouloir vous redresser entièrement, vous vous êtes cogné la tête contre une surface métallique très épaisse. Les murs sont rapprochés, un peu comme une cellule de prison, mais vous doutez sérieusement que ça soit le cas, car vous reconnaissez, sur votre gauche, les deux soldats qui ont traîné le corps de la blessée, tous deux assis à des commandes. Le troll regarde dans votre direction, mais vous comprenez qu’il regarde en fait une personne que vous n’aviez pas remarqué jusque là : Karen Franz, ligotée, en sous-vêtements et à nouveau consciente. Il s’approche d’elle, la menaçant de toute sa grandeur : la jeune femme, malgré sa position précaire, tâche de se donner un air courageux. L’homme lui montre ce qu’elle avait tant bien que mal cherché à atteindre dans ses poches et qui lui était désormais hors de portée : son détonateur. Dans ses yeux ne luisait aucune pitié, que de la froideur… de la cruauté…

« C’est vraiment mal ce que tu as tenté de faire là. Ça nous aurait sérieusement mis dans le trou si tu avais réussi ton plan, mais heureusement que nous sommes arrivés à temps pour t’en empêcher… » Il fait une pause et regarde la captive avec intérêt : « On ne va pas te tuer… Non, tu vas plutôt servir de… martyre elfe. C’est notre chef qui va être content : depuis le temps qu’il souhaite avoir un elfe à torturer… Je crois même que ça sera médiatisé. Qu’est-ce que tu dis de ça ? Te faire torturer devant des millions de spectateurs… » Mais l’elfe ne desserre pas les lèvres, tendue à l’extrême. « Quand on en aura fini avec tes compagnons, ça sera à ton tour… »

Puis, peut-être pour s’amuser encore une fois ou pour avoir le dernier mot, le troll envoit un coup de poing (qui aurait bien pu être une massue) contre la mâchoire de l’elfe, qui perd à nouveau conscience. Machinalement, vous regardez vers la version futuriste de la martyre : tout en elle exprime l’impuissance, bien que ses lèvres ne soient plus qu’une fine ligne pincée par la colère.

Vous vous demandez sans doute pourquoi je ne lui ai pas répondu… Moi qui n’hésite pas à ridiculiser une stupide boîte de conserve ou même cet humain qui est mon chef, moi à qui la jeunesse devrait permettre ce genre d’excès… (Elle soupire et se détend un peu… juste un peu…) Plusieurs choses m’ont traversé l’esprit alors que j’écoutais cette sale brute. Est-ce que je méritais vraiment ça ? Qu’est-ce que j’avais fait pour me retrouver dans une telle position ? Je ne voulais pas servir de martyre ! Je ne voulais pas que mes prochains jours (et mes nuits) ne se résument qu’à une marée de châtiments corporels (et psychologiques, sans doute…) et que chaque seconde où je crierais grâce empirerait mes souffrances pour atteindre des sommets indescriptibles ! Ces gens-là, ces hommes-là, me feraient payer tout le ressentiment qu’ils éprouvent pour les elfes et rien ne pourrait venir à bout de leur haine, pas même mon corps déchiqueté et réduit en bouillie. … Leur haine pour les elfes… …Leur soif de vengeance…

Il m’est également venu à l’esprit que j’avais tourné au ridicule des gens de mon équipe, jusqu’à parfois les mettre en colère. Flash que je traitais de maudit humain et que je n’écoutais à moitié… Lunatics qui m’avait provoqué en duel : à la fin de la guerre, nous aurions un duel à mort, et je n’aurais pas le droit à la magie. … Je ne m’étais pas faite des amis de ces hommes, qui étaient pourtant mes coéquipiers : si ils me laisseraient derrière aujourd’hui, ce serait bien de ma faute. Plus les minutes passaient et moins j’avais d’espoir, car, à bien y penser, n’étais-je pas remplaçable ? Après tout, rien ne les forçait à me venir en aide: un tank avec sa ligne de mire pointé sur eux serait sans doute suffisamment dissuasif pour qu’ils acceptent de « m’oublier »… Adieu, belle confiance et sentiment d’invincibilité. J’étais dans la position que je méritais. Le jour où je rembourserais Shannon pour ses largesses et le bonheur qu’il m’avait apporté était finalement arrivé, et ma dette serait longue à payer… J’étais même incapable de me venir en aide. C’était fini...

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