vendredi, avril 14, 2006

10e partie: magie, propagande... et Rock'N'Bellion

Le décor autour de vous se brouille et vous apparaissez à nouveau dans cet endroit vide où un canapé ainsi que deux verres (à nouveau pleins) vous attendent. Ce retour au néant a quelque chose de déprimant, après les aventures que vous venez de vivre… Quand vous en faites part à Karen, elle vous répond d’un simple hochement de la tête, l’air sérieux :

Je n’ai pas eu de visite depuis très longtemps… En fait, vous êtes la première personne à m’avoir atteint dans mon sommeil, mais il y a longtemps que je me suis habituée à cette solitude… Une éternité, il me semble parfois…

Elle reste un instant l’air vague, puis soupire :

Ça ne sert à rien de se lamenter là-dessus ou de m’apitoyer sur des éléments hors de mon contrôle : je ne peux que continuer à raconter… Alors, où en étais-je ? Ah oui, les surprises… J’ai vraiment appris à les détester : elles sont rarement annonciatrices de bonnes nouvelles…

Tout a commencé avec une note laissée bien en évidence sur la table de la cuisine. Une note de Tiphereth… Son message était bref : il avait décidé de quitter les lieux, parce qu’il redoutait que sa seule présence mette nos vies en danger (nouvelle référence à l’esprit qui le poursuit…). Il nous laissait le bouclier que nous avions trouvé dans le manoir : il garderait l’épée pour sa protection (si je n’ai pas mentionné ces détails plus tôt, c’est que je ne les jugeais pas pertinent à la compréhension de l’histoire). La note finale sur laquelle il a achevé son mémo nous a laissé quelque peu perplexes et était adressée à l’attention de Lunatics : « Ne vous inquiétez pas, Lunatics : un jour quelqu’un reconnaîtra vos qualités à leurs juste valeurs. » Nous avons un peu questionné Lunatics à ce sujet, mais il est resté muet comme une carpe. Plus tard, la note a disparu et le sujet a rapidement été oublié.

Après le souper, nous avions convenu de discuter sur la mission que nous venions de faire, notamment sur la partie où Carol était seul avec son frère… mais Blink avait décidé d’aller à la cabane, celle qui lui avait servi de dojo (et que Tiphereth avait accaparé depuis son arrivé chez nous). Ça n’a pas pris 5 minutes qu’elle est revenue, hurlant que la cabane avait disparu. Comment ça, disparue ?! Une cabane, ça ne PEUT PAS disparaître comme ça ! Carol s’est rendu sur les lieux, et je l’ai suivi. … Bon… C’était vrai… Il n’y avait plus de cabane. Il n’y avait pas de trou, pas de décombre, pas de trace : rien. Carol a tendu la main, comme pour tâter le vide… et a reçu une décharge électrique ! Pas quelque chose de très puissant, heureusement, mais suffisamment fort pour le faire reculer et le dissuader de recommencer. Il n’y avait, selon moi, qu’une seule explication possible à ce phénomène, et j’ai donc basculé en vision astrale pour m’en assurer… vision que je n’ai pas maintenu longtemps d’ailleurs, tant j’ai été aveuglée par la puissance magique rassemblée à cet endroit… mais j’ai quand même eu le temps de voir quelque chose. La cabane était toujours là, impossible de le nier. Elle était invisible, c’est tout, sauf qu’une forte barrière magique empêchait à quiconque d’y pénétrer. Ce que c’était futé… mais quand est-ce que cette barrière avait été érigée ? Était-ce l’œuvre de Tiphereth ? Un enfant serait capable de créer quelque chose d’aussi puissant ? J’ai également tenté de toucher à la barrière, et le résultat n’a pas été différent : un éclair a frappé ma main et m’a passablement assommé… Nous avons retourné, Carol et moi, au repère, chancelants, cherchant appui sur l’autre pour ne pas trébucher. Un vrai couple d’ivrognes…

J’ai donc avisé les autres membres du groupe de mon constat : la cabane invisible, la barrière magique. Blink m’a dit que, peu avant que nous ne partions en mission en direction de l’AEC, elle avait été voir Tiphereth à la cabane et qu’elle l’avait vu peindre des scènes sur les murs internes. Bien qu’elle n’ait pas pu voir à quoi elles faisaient référence, elle disait que ces scènes lui avaient donné froid dans le dos. Il y avait quelque chose de macabre dans le choix des formes et des couleurs… Alors… Il devenait très probable que Tiphereth ait peint sur les murs dans le but de créer une barrière de protection : l’art est d’ailleurs une manière très courante, chez les chamans, de créer des phénomènes magiques, alors il n’y avait rien d’étonnant à ce que les peintures de Tiphereth aient eu les mêmes résultats. Mais maintenant qu’il était parti, la protection de Tiphereth n’était plus de notre ressort. Et quelque chose me disait qu’il était suffisamment débrouillard pour s’en sortir sans nous.

Nous avons eu l’occasion de revenir sur la mission à l’AEC. Carol n’était pas très fier d’annoncer que Cecil Zender était non seulement encore en vie, mais qu’il lui avait échappé. Il ne nous en a pas dit davantage, mais quelque chose me disait qu’il s’était faite offrir, par son « frérot », une place de choix au sein de sa troupe de « fine cuisine à base d’elfes »… Visiblement, Carol a refusé… S’en était suivi une fusillade entre les deux frères, qui trouvaient couverts derrière les piliers entourant l’ascenseur… et l’un d’eux dissimulait un accès, par lequel Cecil Zender avait pu fuir en direction du sous-marin. L’accès s’est détruit derrière le chef de l’AEC, empêchant Carol de le suivre. …C’est comme ça que cette ordure a pu lui échapper.

Les nouvelles à la télévision n’étaient pas meilleures. La base était complètement rasée (nous n’avions rien à voir là-dedans !) et nos portraits ont été montrées au grand public. On nous accusait d’être un groupe de terroristes extrémistes, ce qui ne jouait pas du tout à notre avantage… Mais, le pire, c’était cette intervention d’un certain Christopher Kheas, un des chefs militaires de l’UCAS : selon ses sources, JE serais le chef de l’armée magique de Tir Tairngir. Ridicule !!! D’où avait-il pêché une information pareille ? Mais à force de réfléchir, j’ai compris qu’il faisait de la propagande pour soulever l’opinion publique contre la nation elfe, les convaincre que la guerre devenait une chose nécessaire, qu’il fallait se protéger contre Tir Tairngir, qui grandissait en menace. Pourquoi haïssait-il les elfes à ce point ? Pourquoi souhaitait-il tant provoquer cette guerre, tout en sachant que les millions de vies allaient être sacrifiées dans le procédé ? Était-ce une forme de vengeance ? Y avait-il autre chose ? Je doutais d’avoir un jour des réponses à ces questions, mais l’ardeur que certains pouvaient déployer juste pour éradiquer son voisin me coupait le souffle. Il y avait longtemps, semblait-il, que j’avais oublié la saveur d’une haine aussi dévorante…

…Je ne me souviens plus à quel moment c’est arrivé, mais je me rappelle que nous avions reçu des nouvelles de Whisper (l’ancien chef d’équipe de Blink, celui qui aurait engagé Lunatics…)… de mauvaises nouvelles. Sa mort était imminente et personne n’arrivait à le guérir. C’est que… pour une raison que même Blink ignorait, les blessures de Whisper refusaient de se refermer, et du pus en coulait en permanence. Il faiblissait de jour en jour, et c’était maintenant qu’on nous annonçait qu’il était à l’article de la mort… Nous nous sommes rendus là où il avait été traité depuis tout ce temps (une clinique de rue qui en était venue à redouter pour la vie de ses autres patients). Nous l’avons traîné jusqu’à notre véhicule dans le but de l’amener dans notre repère. Ses plaies étaient… Karen frissonne de dégoût. …je n’avais jamais rien vu de tel. Carol nous répétait sans cesse de ne pas toucher à ses blessures : je pense que, comme les médecins, il redoutait une contagion possible…

…Whisper est mort en chemin. Il y a eu un débat sur la manière de nous débarrasser du corps. Nous aurions pu tout simplement le laisser dans un endroit désert, mais Blink s’y opposait (elle voulait lui offrir un véritable enterrement, ou au moins éviter l’aspect qu’on jetait un chef qu’elle adorait aux poubelles…). D’autant plus qu’il y avait encore ce risque de contagion ! Qu’arriverait-il si un animal commençait à manger la dépouille et qu’il morde un autre animal ensuite? Ou un individu ? Ou bien si un randonneur trouvait le cadavre et y touchait ? Nous ne pouvions pas laisser cette situation aux mains du hazard, alors il nous a fallu trouver autre chose. Blink aurait voulu que nous l’enterrions… mais comment ? Et avec quoi ? Nous n’avions pas de pelle ou d’outil pour creuser la terre ! Visiblement, ça nous laissait avec une seule option: l’incinération. Nous devions brûler le corps de Whisper. Nous avons donc créé un bûcher avec autant de bois sec que nous le pouvions… et avons brûlé le corps, puis nous sommes partis. Depuis ce jour, Blink n’a plus été tout à fait la même : elle avait perdu une partie (sinon toute) son insouciance, de son innocence. J’avais l’impression qu’elle avait grandi trop vite, d’un seul coup ! Je l’ai laissé se réconforter elle-même, puisque ça semblait être son désir… mais aurais-je su dire les mots pour rendre sa peine… moins lourde ? J’en doute… I should know better than that…

Nous avons aussi eu de meilleures nouvelles (même si elles n’ont pas chassé la lourdeur nouvelle sur les épaules de Blink) : d’abord, la Grenouille de Milwaukee a envoyé à Carol les armes modifiées qu’il voulait (gracieuseté du Forgeron de Saskatoon)… Oui, je sais, ça fait du nouveau monde que je ne vous avais pas présenté plus tôt, mais ce sont des gens qui, tout en nous donnant un bon coup de pouce, sont restés à l’écart de nos aventures. Une nouvelle fois, je ne croyais pas pertinent de vous parler d’eux avant. Deux revolvers avec « Flash gun » inscrit sur le canon. Cet homme… était vraiment gaga de ses armes. Était-ce vraiment nécessaire de les astiquer dès la réception ? Enfin… Avec les nouveaux joujous de Carol est arrivé un nouveau stock d’armes et de munitions. Nous n’allions pas en manquer…

Il y a eu une seconde TRÈS bonne nouvelle pour Carol : la Rébellion considérait qu’il faisait entièrement parti des leurs, dorénavant. La preuve, c’était qu’avec cette information il avait reçu… la veste officielle de la Rébellion ! Sans manche, d’un bleu foncé, il arborait le symbole de la rébellion (deux paires d’ailes encerclées d’étoiles). C’était vraiment la fierté de Carol et ça se voyait dans ses yeux. Je pense qu’on ne pouvait pas lui faire plus beau cadeau, lui offrir plus belle récompense que celle-là… C’était son anniversaire, son Noël, il n’y avait pas de doute là-dessus.

9e partie: Cecil Zender ou volteface

Votre guide dans cette aventure a toujours les yeux rivés sur la version d’elle-même au passé, noyée dans l’inconscience, et soupire :

Vous trouvez sans doute que j’aie eu, à cet instant, une attitude défaitiste, que j’aie baissé les bras trop rapidement … et pourtant, je n’étais pas loin de la vérité. C’est que tout récemment (depuis que je patauge dans le monde astral, en fait) que je sais ce qui s’est passé avec le reste de l’expédition. Ça a tout d’abord commencé avec Hope qui s’est rendue compte que quelqu’un manquait à l’appel : avec le décompte, mes compagnons se sont rendus compte de mon absence. Sans elle… Sans Hope, peut-être que je serais aujourd’hui la Martyre Elfe qu’on voulait faire de moi. Je lui en dois une…

L’équipe a donc rebroussé pas (à l’exception de William, qui avait décidé de continuer le chemin en direction de l’Objectif…) : c’est quand ils ont eu les canons d’un tank et de deux cracheuses pointés dans leur direction qu’ils ont compris dans quel merdier j’étais (et eux également).

Dans l’habitacle du tank, les deux hommes sont branchés aux commandes via leurs data jack (implant cybernétique situé dans le cerveau permettant de se connecter à n’importe quel outil électronique, et qui permet d’activer des commandes par la pensée), concentrés sur les nouvelles cibles à abattre. Karen est réveillée par le vacarme ; d’abord elle semble désorientée, puis aux aguets, avec l’envie visible de croire en son équipe, tout en déployant tous les efforts possibles pour ne pas se laisser aller à ce qui pourraient être de faux espoirs.

Dehors (car vous venez d’être transporté, seul cette fois-ci, juste au-dessus du tank), Hope, Flash et Blink ont passé la porte, devenant ainsi des cibles faciles ; Lunatics est resté dans l’embrasure de la porte, à couvert. Blink attaque un des hommes à la cracheuse pendant que Flash et Hope se chargent de l’autre. Hope se retrouve gravement blessée dans le procédé, transpercée par une rafale de la cracheuse, mais Flash parvient à neutraliser l’ennemi. Le tank vise Flash (qui n’arrive pas à actionner la cracheuse, faute de munitions), mais se tourne vers Blink (qui, bien qu’elle n’ait jamais touché à ces engins de sa vie, a rapidement compris le mécanisme), qui était brusquement devenue beaucoup plus dangereuse. Un plan est forgé sans avoir eu à être discuté: Blink servirait de distraction pendant que Flash… Flash faisait quoi au juste ? Le voilà qui, sans prendre couvert, s’élance en direction du tank et commence à le gravir. Une fois arrivé sur le toit du véhicule (bien qu’il soit agenouillé, il vous serait facile de le toucher), Flash entreprend d’ouvrir l’écoutille avant de menacer de son fusil les deux hommes qui s’y trouvent. En fait, menacer est un bien grand mot pour dire que les hommes n’ont à peine eu le temps de réagir qu’ils avaient déjà une balle dans la tête. Voilà pour faciliter les modalités de libération.

Flash entre et vous le suivez. Les deux Karen sont toujours à l’intérieur, n’ont pas bougé d’un pouce. Vous ne pouvez deviner l’émotion qu’éprouve Flash à cet instant en découvrant que sa camarade est saine et sauve (pas plus si sa quasi-nudité l’a fait réagir, mais quelle importance ?), mais il est évident que la captive est plus que reconnaissante de son geste. Alors que Flash passe ses bras autour d’elle dans le but de défaire les liens de la captive, Karen laisse tomber sa tête contre l’épaule de son chef et vous l’entendez faiblement murmurer :

« Je ne pensais pas qu’un jour je dirais ça à un humain mais… (Elle soupire : ) … mon héros… »

En silence, Flash l’aide à se mettre debout, constate le pas chancelant de sa camarade, et l’aide à s’approprier des vêtements de rechange (puisque ceux de Karen, ainsi que son équipement, sont introuvables). Flash aide Karen à sortir du tank. Vous et votre narratrice les suivez (il n’y a plus rien à faire ou à voir dans ce tank). Blink demande à Karen si elle va bien ; cette dernière lui répond d’un simple hochement de la tête, encore trop sonnée pour parler. Le groupe s’en retourne vers l’accès qui devait les conduire à Cecil Zender.

De mon côté, dit votre conteuse, je n’avais qu’une seule envie : dormir. J’étais KO et je n’avais aucune arme. Le moindre sortilège que j’aurais lancé aurait risqué de me plonger dans l’inconscience et, pire, d’empirer ma plaie au flanc. J’étais en position d’inutilité totale : une limace aurait été plus dangereuse que moi. Bien que Hope soit une adepte physique hors pair, la gravité de ses propres blessures l’avait mis hors combat. Sur les six combattants que nous étions à l’origine, seuls trois étaient encore sur pied : Flash, Lunatics et William. Parlant de William, où avait-il disparu pendant que les autres étaient partis à ma rescousse ? Bien… Au lieu de vous montrer la scène, comme j’ai fait depuis le début de cette mission, je vais plutôt vous la montrer en bande dessinée, puisque la situation était vraiment trop ridicule.

BANDE DESSINÉE : QU’EST-IL ARRIVÉ À WILLIAM ?
IMAGE 1 : William s’éloigne du reste du groupe en continuant son chemin dans le couloir : tout au bout, il y a une porte d’ascenseur. William s’en approche en fredonnant des « doum-pidoum-pidoum ».
IMAGE 2 : William appuie sur un bouton et la porte s’ouvre. « Doum-pidoum-pidoum… »
IMAGE 3 : William est dans l’ascenseur, qui entreprend maintenant sa longue progression. Comme il n’y a pas de musique d’ascenseur (que voulez-vous, il s’agit quand même d’un bâtiment militaire !), le joyeux troll continue à fredonner. « …pidoum-pidoum-pidoum ! »
IMAGE 4 : L’ascenseur s’est enfin immobilité (BOUM !). « …doum-doum-pidoum… »
IMAGE 5 : Image des portes qui s’ouvrent, laissant voir le troll (William) à l’intérieur. « …doum-pidoum… »
IMAGE 6 : Un gros « BANG ! » remplit toute la case.
IMAGE 7 : On voit l’image du troll, de profil, qui tombe à la renverse.
IMAGE 8 : Gros plan sur la tête du troll, maintenant étendu par terre, un trou de balle entre les deux yeux.
IMAGE 9 : Vision en contre-plongée de ce qu’aurait vu William si il aurait été encore en vie : un homme aux cheveux clairs qui pointe son fusil en direction du cadavre encore chaud. Les insignes sur l’uniforme de l’homme sous-entendent qu’il est le chef de la base.
IMAGE 10 : « FIN »

Un brin pathétique, cette mort en dix images, mais je ne vois pas de meilleures manières de raconter cet épisode sans laisser pour compte son ridicule, son absurdité. Nous avons donc perdu un compagnon d’aventure parce qu’il avait battu des records d’imprudence, pour ne pas dire d’idiotie. …Hey, ne me regardez pas comme ça ! Mon plan de démolition du tank n’avait peut-être pas atteint ses objectifs, mais je vous assure que cette mésaventure a eu des conséquences positives par la suite ! Tandis que ça… allez, n’allez quand même pas me faire croire que son … sacrifice… a servi à quelque chose ! … Bon, corrigeons notre décompte : sur les six hommes (dit au sens large, bien entendu) qui avaient constitué cette équipe, seule la moitié tenait encore debout. Pas une très bonne performance : on a déjà fait beaucoup mieux que ça ! Alors, après avoir quitté la salle aux tanks, voilà ce qui nous a attendu…

Flash avait pris le même chemin que William quelques dizaines de minutes auparavant, après avoir spécifié à ses hommes qu’ils ne devaient pas le suivre, ce qu’était une histoire entre lui et le commandant de la base de l’AEC. Après qu’il ait tourné le dos au reste des troupes et pénétré dans l’ascenseur, le reste des troupes, dont la moitié reposait sur le sol, invalide, n’avait plus qu’à attendre et surveiller les arrières du chef. Heureusement qu’ils étaient à l’affût d’ailleurs, car d’autres soldats de l’AEC venaient de pénétrer dans la salle aux tanks via la porte externe, et menaient déjà leur assaut à coup de fusillades. Blink et Lunatics les repoussent du mieux qu’ils peuvent, alors que Karen semble à peine capable de garder les yeux ouverts ; quand l’ennemi est trop proche, Hope prend la relève au corps à corps, malgré son état agonisant.
La victoire est quelque peu incertaine, d’autant que Blink vient de recevoir une rafale qui lui sera, à coup sur, fatal. La situation est désespérée ! Alors que tout semble perdu pour la Rébellion, vous remarquez qu’un halo jaune encercle le corps de Blink, qu’il s’intensifie, se mue en flammes, brûlant les vêtements de la jeune fille, faisant sauter ses munitions. Jamais de toute votre vie vous avez entendu parler d’un phénomène pareil. L’air de votre accompagnatrice vous indique que cette manifestation n’est pas nouvelle pour elle, bien que celui de sa jumelle d’époque, ahurie et terrifiée, démontre bien que ça n’a pas toujours été le cas. Quand le corps, un instant avant inerte, de Blink se redresse entièrement et qu’il commence à flotter à un pied du sol, vous voyez ses compagnons s’écarter sous son passage, peu désireux de se retrouver sur son chemin. Un ennemi tire sur Blink ; les balles s’embrasent sans même la toucher. L’instant d’après, l’ennemi est transformé en torche humaine sous un simple geste de l’adepte. Le regard fixe, elle se dirige ensuite vers un second adversaire et lui réserve le même sort. Aucun allié n’ose l’approcher, espérant sans doute que l’absence d’agression les mettra à l’abri de sa colère ou de sa démence… Peine perdue : la voilà qui se tourne vers eux et approche lentement, en flottant.


L’illusion se brouille un peu sur cette dernière image :

Je ne me rappelle plus qui a posé le geste qui allait nous sauver tous… Peut-être Lunatics… Peut-être Flash, de retour de sa vendetta… Je crois que ce qui nous a protégé de cette… manifestation incontrôlée de Blink a été une balle bien placée (sans toutefois la tuer) qui l’aurait fait basculer dans l’inconscience. Mais je n’en suis pas très certaine…

Dès que nous avons pu, nous avons fui les lieux, Blink sous le bras (les flammes s’étaient éteintes quand elle a à nouveau perdu conscience), et nous sommes rendus en ville, là où Flash connaissait un bon médecin de rue. Les blessés passeraient la nuit dans la clinique, ceux qui étaient encore en état iraient dans un motel (j’ai été si secouée par nos aventures que j’aie bien failli passer la nuit à l’hôtel malgré mon état : c’est le prêtre, car il s’agissait en fait d’une clinique religieux, qui m’a rappelé la gravité de mes blessures). Les ressources disponibles étaient toutefois beaucoup trop maigres pour venir à bout des blessures de Hope ; nous avons du la conduire dans un hôpital « officiel », aux tarifs exorbitants, pour qu’elle ait une chance de survie. C’était notre seule option…

J’ai passé une très bonne nuit de sommeil. Au réveil, j’ai eu l’impression étrange d’assister à un des plus beaux spectacles de toute ma vie : Flash, enfin, Carol qui me regardait et qui me souriait. Lui aussi avait l’air d’aller mieux, beaucoup mieux même. Je ne me rappelle plus trop ce que je lui ai dit, pas même si je l’ai remercié de m’avoir sauvé, de ne pas m’avoir oublié… mais il m’a dit quelque chose que je me rappellerai toujours : « Je suis heureux que tu sois en vie, Karen. » Ça m’a laissé sans voix. Heureux que je sois en vie ? Malgré toutes ces fois où j’ai tenté de le provoquer (parfois avec succès), où j’ai critiqué ses ordres ? J’avoue avoir été trop surprise pour lui répondre quoi que ce soit, mais le long regard que nous avons échangé ensuite valait à lui seul un million de traités de paix entre Tir Tairngir et l’UCAS. Une poignée de main faite avec les yeux et qui scellait un lien qui s’avèrerait par la suite impossible à rompre.

Bien entendu, comme nous allions bien, nous avons été gentiment escortés vers la sortie (d’autres personnes auraient besoin de nos lits, nous a-t-on dit) et avons été rejoindre les autres. À mon réveil, je m’étais faite une promesse que je commençais à peine à appliquer : à défaut de l’appeler Flash ou Zender, j’appellerais maintenant notre chef Carol, et refuserais de l’appeler autrement (à moins que ça le dérange). Ce serait ma manière de lui signifier qu’il aurait maintenant ma fidélité et mon amitié, si bien sûr il désirait cette dernière. Nous avons été ensemble à l’hôpital pour se renseigner sur l’état de santé de Hope, tout en sachant que les droits de visite seraient limités au maximum : c’est pour ça que Carol n’a pu inviter qu’une seule autre personne avec lui. J’avais beau faire mon indifférente, tout en moi voulait être ce second visiteur. J’avais l’impression d’avoir raté une occasion, ce matin-là, d’avoir exprimé ma reconnaissance envers Carol, de lui avoir dit tout ce que j’avais à lui dire… J’ai eu beau faire semblant que le choix de Carol ne m’importait que très peu, je n’ai pas pu m’empêcher de sentir un triple saut dans ma poitrine quand je l’ai entendu dire : « Karen, tu viens avec moi. » Phrase très autoritaire, j’en conviens, mais il m’offrait du coup une opportunité qui, je le redoutais, ne se reproduirait plus.

Son état étant trop critique, Hope n’avait pas droit de visite. Son hospitalisation allait être très longue, mais on nous promettait de nous tenir au courant dès qu’il y aurait des changements dans son état. Il n’y avait rien de plus que nous pouvions faire pour elle. Une fois dans le stationnement, bien avant d’atteindre la voiture, j’ai arrêté Carol et l’ai remercié de m’avoir sauvé et que j’étais également heureuse qu’il soit en vie… Mais je me sentais tellement mal à l’aise à propos de ce dernier bout de phrase, pourtant si sincère, qu’il fallait que j’ajoute autre chose, quelque chose pour lui rappeler, qu’au fond, je n’avais pas changé tant que ça. « … même si, au fond, tu n’es qu’un humain ! » Sa réaction m’a surpris : il a éclaté de rire ! Il… riait ! Je sentais le rouge me monter aux joues : pas parce que j’étais en colère contre lui, non, mais parce que son rire faisait plaisir à entendre, ME faisait plaisir. Il riait encore quand il est monté dans la voiture, et j’étais muette comme une carpe, tentant à coup de fierté de cacher ma gêne, que j’espérais ne pas être trop évidente.

Tous ensemble, nous nous sommes rendus à la maison. Une discussion de groupe s’imposait, mais quelques surprises nous attendaient également…

8e partie: captive

Le scanner indiquait des zones encore inexplorées, et dans l’une d’elles se trouvait Cecil Zender. Alors que le reste du groupe gravit un pallier (sur lequel se trouvent des hauts calibres d’armes arrimés au sol (il ne peut pas en être autrement : ils sont conçus ainsi)) et pointés en direction des tanks, Karen reste un peu plus longtemps dans la pièce. Personne n’a remarqué son absence. Vous la voyez approcher du tank le plus imposant, un sourire aux lèvres : quel mauvais coup a-t-elle en tête ? Vous la voyez fouiller dans son petit sac hermétique et en sortir… ce qui a l’air d’être un bloc de plastique (… ou de la pâte à modeler ?) et commencer à en mettre un peu partout sur et sous le tank. Qu’est-ce que c’est que cette folie ?

Celle qui vous a invité dans cette aventure a l’air de franchement amuser :

Avez-vous déjà entendu parler de C4 ? C’est du plastique explosif. Mon plan consistait à disposer des charges explosives sur le plus gros des tanks pour ainsi causer une réaction à la chaîne lors de l’explosion. Détruire plusieurs tanks avec peu de choses… Ne croyez-vous pas que ça leur aurait causé beaucoup d’ennuis ? (La voilà qui redevient sérieuse : ) Mais les choses ne se sont pas terminées aussi bien que prévues…

Pénétrant dans la salle par la porte extérieure, se faufilant dans l’ombre, quelques soldats ont commencé leur approche en direction de la jeune femme, qui ne les avait pas encore repéré : dès qu’ils ont eu une ligne de mire sur la cible, ils ont commencé à tirer. L’elfe a essayé d’esquiver les balles et de riposter, mais a ensuite tenté de fuir en reconnaissant sa situation comme sans issue. À découvert et dans l’impossibilité de se défendre, la course de Karen a été interrompue par une balle enfoncée dans son flanc : sous la violence du coup, la magicienne s’est retrouvée face première contre le sol. Les soldats commencent à l’encercler, leurs armes pointées dans sa direction. Dans un dernier geste (un peu suicidaire), Karen fouille dans sa poche, probablement à la recherche du détonateur ; un soldat tire juste devant elle à titre dissuasif. Karen arrête son geste… et arrive malgré tout à atteindre le détonateur ; mais quelqu’un arrive derrière elle et lui balance un coup de crosse, lui fait perdre conscience. Deux des hommes (dont un troll ?) commencent à la traîner en direction du tank piégé, pendant que les deux autres vont aux cracheuses sur le palier.

Hmm… (Vous vous retournez et surprenez la mine triste et un peu inquiète de votre conteuse : ) … Le plan était pourtant excellent, mais, visiblement, il ne pouvait pas s’appliquer en solo… On ne m’a pas tué : on m’a fait prisonnière et j’ai eu droit à un… avant-goût de ce qui m’aurait attendu si ma captivité aurait été plus longue…

Vous la voyez lever une main et claquer des doigts : du coup, vous vous retrouvez tous les deux dans un autre endroit, avec très peu de lumière. Il vous faut d’ailleurs une dizaine de secondes pour vous adapter à la pénombre et vous vous frottez d’ailleurs les yeux pour accélérer le processus. Quand vous les ouvrez à nouveau, vous constatez avec soulagement que votre conteuse est à vos côtés… mais que vous vous trouvez dans un espace beaucoup plus restreint. À vouloir vous redresser entièrement, vous vous êtes cogné la tête contre une surface métallique très épaisse. Les murs sont rapprochés, un peu comme une cellule de prison, mais vous doutez sérieusement que ça soit le cas, car vous reconnaissez, sur votre gauche, les deux soldats qui ont traîné le corps de la blessée, tous deux assis à des commandes. Le troll regarde dans votre direction, mais vous comprenez qu’il regarde en fait une personne que vous n’aviez pas remarqué jusque là : Karen Franz, ligotée, en sous-vêtements et à nouveau consciente. Il s’approche d’elle, la menaçant de toute sa grandeur : la jeune femme, malgré sa position précaire, tâche de se donner un air courageux. L’homme lui montre ce qu’elle avait tant bien que mal cherché à atteindre dans ses poches et qui lui était désormais hors de portée : son détonateur. Dans ses yeux ne luisait aucune pitié, que de la froideur… de la cruauté…

« C’est vraiment mal ce que tu as tenté de faire là. Ça nous aurait sérieusement mis dans le trou si tu avais réussi ton plan, mais heureusement que nous sommes arrivés à temps pour t’en empêcher… » Il fait une pause et regarde la captive avec intérêt : « On ne va pas te tuer… Non, tu vas plutôt servir de… martyre elfe. C’est notre chef qui va être content : depuis le temps qu’il souhaite avoir un elfe à torturer… Je crois même que ça sera médiatisé. Qu’est-ce que tu dis de ça ? Te faire torturer devant des millions de spectateurs… » Mais l’elfe ne desserre pas les lèvres, tendue à l’extrême. « Quand on en aura fini avec tes compagnons, ça sera à ton tour… »

Puis, peut-être pour s’amuser encore une fois ou pour avoir le dernier mot, le troll envoit un coup de poing (qui aurait bien pu être une massue) contre la mâchoire de l’elfe, qui perd à nouveau conscience. Machinalement, vous regardez vers la version futuriste de la martyre : tout en elle exprime l’impuissance, bien que ses lèvres ne soient plus qu’une fine ligne pincée par la colère.

Vous vous demandez sans doute pourquoi je ne lui ai pas répondu… Moi qui n’hésite pas à ridiculiser une stupide boîte de conserve ou même cet humain qui est mon chef, moi à qui la jeunesse devrait permettre ce genre d’excès… (Elle soupire et se détend un peu… juste un peu…) Plusieurs choses m’ont traversé l’esprit alors que j’écoutais cette sale brute. Est-ce que je méritais vraiment ça ? Qu’est-ce que j’avais fait pour me retrouver dans une telle position ? Je ne voulais pas servir de martyre ! Je ne voulais pas que mes prochains jours (et mes nuits) ne se résument qu’à une marée de châtiments corporels (et psychologiques, sans doute…) et que chaque seconde où je crierais grâce empirerait mes souffrances pour atteindre des sommets indescriptibles ! Ces gens-là, ces hommes-là, me feraient payer tout le ressentiment qu’ils éprouvent pour les elfes et rien ne pourrait venir à bout de leur haine, pas même mon corps déchiqueté et réduit en bouillie. … Leur haine pour les elfes… …Leur soif de vengeance…

Il m’est également venu à l’esprit que j’avais tourné au ridicule des gens de mon équipe, jusqu’à parfois les mettre en colère. Flash que je traitais de maudit humain et que je n’écoutais à moitié… Lunatics qui m’avait provoqué en duel : à la fin de la guerre, nous aurions un duel à mort, et je n’aurais pas le droit à la magie. … Je ne m’étais pas faite des amis de ces hommes, qui étaient pourtant mes coéquipiers : si ils me laisseraient derrière aujourd’hui, ce serait bien de ma faute. Plus les minutes passaient et moins j’avais d’espoir, car, à bien y penser, n’étais-je pas remplaçable ? Après tout, rien ne les forçait à me venir en aide: un tank avec sa ligne de mire pointé sur eux serait sans doute suffisamment dissuasif pour qu’ils acceptent de « m’oublier »… Adieu, belle confiance et sentiment d’invincibilité. J’étais dans la position que je méritais. Le jour où je rembourserais Shannon pour ses largesses et le bonheur qu’il m’avait apporté était finalement arrivé, et ma dette serait longue à payer… J’étais même incapable de me venir en aide. C’était fini...

7e partie: AEC

Karen se masse la tempe et soupire.

Avec du recul, je vois bien que notre vie n’a été qu’une succession de missions, et que nous n’avons jamais vraiment réfléchi aux conséquences de nos actes. Donner la sphère à Shannon a sans doute été très sage, mais il m’arrive de me demander ce qui serait produit si nous ne l’avions pas fait. Sans doute aurait-elle disparu quand ce cher Lunatics nous a trahi… Hmm… Je brûle des étapes, dans mon histoire ! Nous sommes encore loin de cet épisode… Nous avons eu le temps de recevoir une ou deux cargaisons d’armes et de munitions, et d’aller en mission encore à quelques reprises, avant que ÇA n’arrive…

Sa main blanche se tend une nouvelle fois vers son Perrier et le porte à ses lèvres. La jeune femme prend le temps de déguster sa gorgée, l’air vaguement triste et nostalgique, puis avale l’eau pétillante.

Ce qui s’est passé ensuite… Le but de cette mission m’échappe un peu… m’échappe beaucoup, je devrais dire. Est-ce que quelqu’un nous a envoyé en mission, ou est-ce une initiative de Flash ? Étrangement, je voterais pour la seconde hypothèse… Nul doute que les liens de sang sont plus durs à ignorer qu’on ne le voudrait, mais toujours est-il qu’on s’est retrouvés en mission… dans une base de l’AEC ! Celle-là même où le « grand frère » jouait les Dieux Omnipotents… Comprenez bien que l’idée d’une guerre entre Tir et l’UCAS me dégoûte, mais… c’était quoi le but de cette opération ? Mettre une balle dans la tête de Cecil Zender ? Régler des comptes ? Mettre la vie des membres de la Rébellion en danger valait-il ce prix ?

Elle soupire :

Enfin… Personne n’a discuté l’ordre de mission et nous sommes tous partis à l’aventure, une nouvelle fois, sans discuter…

Le terrain était patrouillé par nombre de véhicules… des tanks en fait. Lents, mais dangereux quand ils repèrent une cible. Nous avons donc planqués notre véhicule hors du périmètre de la base, base qui, je tiens à préciser, se tenait au bord d’une falaise. Nous avons été informés sur la structure de la base et savions qu’il y avait deux accès : le premier se trouvait sur le plancher des vaches… le second se trouvait en bas de la falaise, un accès plutôt bien dissimulé, créé à l’attention des sous-marins. Aucun bateau, même une planche de naufragé, n’aurait pu y passer, pour la bonne raison qu’il n’y avait tout simplement pas assez d’espace entre les eaux et le plafond rocheux. Alors, chef, c’est quoi le plan ?

L’air mi-dégoûté mi-exaspéré de Karen en dit long sur son appréciation de la stratégie utilisée…

La troupe descend le long de la falaise (où un escalier est à moitié dissimulé dans les parois abruptes) et fait le chemin à la nage pendant que Flash, fidèle à lui-même, se faufile entre les tanks et accède à la seconde entrée. ÇA, c’était notre plan à tout casser. J’ai protesté ! Si si ! Que croyez-vous, que tous les elfes sont des pros en natation ??? Que vouloir empêcher une guerre fait qu’une troupe est capable de faire 50 longueurs à contre-courant, ou de retenir son souffle pendant plus d’une minute sous l’eau ? J’ai un sort d’invisibilité : j’aurais eu mon utilité sur la terre ferme ! Mais, voyez-vous, on ne m’a pas vraiment écouté, ce qui a fait que j’ai du obtempérer, que je le veuille ou non… Si j’y laisse ma peau, ils l’auront sur la conscience, et ils auront des comptes à rendre à Shannon, voilà tout.

La troupe s’est donc divisée (en espérant que Flash savait ce qu’il faisait) et nous nous sommes rendus à l’extrémité du terrain, où nous avons effectivement trouvé un escalier en métal, étroit mais suffisamment solide pour supporter notre poids. Il ne nous restait plus qu’à nager… Hmm…

La jeune elfe interrompt sa narration sans raison apparente… à moins qu’une idée lui ait traversé l’esprit ? Elle semble en effet peser le pour et le contre… penche la tête sur le côté, réfléchit encore un peu, puis hoche la tête, un petit sourire coquin aux lèvres. Son sourire donne l’impression qu’une surprise se prépare, et qu’elle vous invite à en faire partie.

Dites… Ça vous dirait, de vous dégourdir les jambes ?

Sous votre regard surpris, Karen se lève et vous fait face. Quand a eu lieu ce changement de vêtements que vous venez de constater ? N’était-elle pas habillée d’une longue robe pourpre quelques instants plus tôt ? Non… maintenant, elle est vêtue d’un pantalon noir, d’une chemise en soie blanche et d’une veste en cuir pourpre. On devine, assez difficilement il faut dire, qu’un revolver (un Ares Predator ?) est dissimulé sous sa veste, prêt à l’utilisation.

La coquine savoure votre surprise, et quelque chose vous dit qu’elle n’a pas terminé encore… Elle se tourne à moitié et envoit son bras vers d’arrière : un grand ovale bleu électrique émerge de nulle part, debout et vous faisant face à tous les deux, assez grand qu’un adulte puisse y entrer.

Nous allons… comment dire… changer de réalité, si vous le voulez bien…

Sans un regard dans votre direction, elle s’y engouffre et disparaît : des éclairs blancs pétillent et s’agitent autour du portail pendant quelques secondes, puis l’énergie du cercle se calme. Vous hésitez un instant : tout ça est nouveau pour vous… Mais le major n’a-t-elle pas dit que tout ceci n’était qu’illusion ? Alors que risquez-vous ? Vous vous approchez lentement, puis passez un bras dans le cercle, pour y tester vos sensations. Votre peau vous démange un peu, sans doute un effet du portail magique. Ce n’est pas désagréable… Au final, vous vous décidez et bondissez dans le cercle lumineux…

… et vous manquez de heurter Karen, juste de l’autre côté. D’ailleurs, où êtes-vous ? Vous passez les secondes qui suivent à regarder dans toutes les directions, à enregistrer toutes les informations que vous pouvez. La première information qui vous vient à l’esprit est cette brise qui caresse votre visage. Vous êtes dehors ? Oui… oui, vous êtes à l’extérieur. D’ailleurs, il fait nuit noire et le maigre croissant de lune dans le ciel (et beaucoup de nuages) est à peine suffisant pour voir ce qui vous entoure. En d’autres mots, la soirée idéale pour infiltrer une base. Puis, vous remarquez que vous êtes à moitié entouré par une très haute falaise, le reste n’étant qu’une vaste étendue d’eau. Un océan ? Vous n’en êtes pas certain : même si vous ne voyez pas l’autre rive, vous trouvez que les vagues qui percutent la muraille de pierres sont plutôt faibles.

… Et un déclic se fait dans votre tête : d’un côté il y a la falaise (qui est à une dizaine de mètres de vous, et de l’autre la mer… Vous baissez la tête et regardez vos pieds… Vous marchez sur l’eau, et Karen également !

Êtes-vous vraiment si surpris ? L’elfe semble vraiment s’amuser de votre réaction. Et ça, qu’est-ce que vous en dites ?

Elle pointe quelque chose dans l’eau, à quelques mètres de vous… des nageurs ? Ils vont vers la falaise ? Vous reconnaissez la personne la plus à l’arrière du groupe, parce que c’est également celle qui vous raconte son histoire depuis plus d’une demi-heure. En même temps que vous avez le major Karen Franz debout à vos côtés, vous avez sous les yeux une copie conforme, nageant sur le dos, un petit bagage hermétique à la taille, la mine insécure.

Je ne suis pas une très bonne nageuse, et je n’avais pas envie de mourir si jeune…

Un peu plus loin, vous reconnaissez Lunatics, Blink, Hope et une autre personne qui vous est inconnue… En fait, Karen n’avait jamais mentionné qu’il y avait un troll dans votre équipe ! Quand vous lui en faites part, elle se gratte la tête et soupire.

Lui… Je dois vous avouer franchement que je l’avais oublié quand j’ai commencé à raconter mon histoire… Je… pense que je l’ai rencontré en même temps que les autres (Blink et Lunatics) et qu’il faisait partie de la bande de Whisper, mais… ce n’est pas un personnage très visible. Je veux dire, oui c’est un troll et il nous dépasse tous en grandeur et carrure, mais à part dire « Bonjour, mon nom est William » en vous tendant la main, il n’a jamais fait quoi que ce soit pour qu’on se souvienne de lui… En fait, pendant cette mission, il va poser un geste qui changera toute sa vie, mais là encore je ne suis pas certaine que ça sera suffisamment épatant pour qu’on se rappelle cet étrange compagnon…

Les nageurs poursuivent leur progression vers une falaise dépourvue de grotte. Se sont-ils trompés ? Et si il n’y avait pas le moindre accès après tout ? Le sujet de votre inquiétude est visible et compréhensible.

Il y a un accès. Regardez bien.

Au pied de la côte, les nageurs prennent une dernière respiration et plongent.

Ils vont en avoir pour une demi-minute au total. Ils pourront respirer dans une ou deux poches d’air prisonnières dans la roche, et parviendront de l’autre côté sans trop de mal. En fait, c’est de l’autre côté que ça se gâte…

Vous regardez à nouveau autour de vous. Le décor a changé à nouveau : vous êtes maintenant à l’intérieur d’une grand espace rocailleux. Il y a encore de l’eau sous vos pieds, mais elle se termine par un quai, contre lequel se trouve un sous-marin. Les deux hommes en patrouille sursautent quand ils entendent quelque chose émerger de l’eau et pointent leurs fusils dans votre direction… non… En fait, ils visent plus ou moins à la hauteur de vos pieds, mais ne tirent pas, pas encore. La Rébellion a commencé à faire surface, mais doit plonger à nouveau quand des balles rebondissent autour de ses membres. Lunatics prend couvert derrière le sous-marin, d’autres progressent davantage en faisant face aux hommes armés. La Karen du passé, ainsi que Blink ont opté pour l’extrême droite du quai, loin du sous-marin. Un des hommes armés sort une grenade et la lance en direction des deux jeunes femmes, mais déjà elles ont replongé. Les deux gardes sont en position avantagée et ça ne sera pas évident de s’en débarrasser, d’autant plus qu’il est imprudent de dégainer des armes à feu sous l’eau.

Ceux qui ont pu grimper sur un sous-marin ont été d’une grande aide, ce qui a permis à Blink et à moi de grimper sur le quai. Une autre grenade a revolé dans notre direction (avec le bagage que j’avais, ça aurait pu nous être fatal !... vous comprendrez bientôt…), mais heureusement sans faire trop de dégât ; j’ai contre-attaqué en lançant une boule de feu à mon adversaire. J’ai eu le temps de voir l’expression d’horreur se peindre sur son visage… Le feu a touché les grenades, l’homme a explosé. Le deuxième garde a été facile à éliminer : Lunatics s’en est chargé presque à lui seul.

Les gardes et soldats du sous-sol sont rapidement mis… hors d’état de nuire. La troupe parvient à mettre la main sur un ou deux émetteurs ennemis, s’accordant ainsi un avantage sur leurs adversaires. Flash signale sa présence : il a réussi à traversé le champ de tanks et a infiltré la base : il est à l’entrée et restera dissimulé jusqu’à ce que le reste de sa troupe se manifeste. L’expédition a finalement gravi les marches conduisant au rez-de-chaussée.

Arrivés là-haut, nous avons pénétré dans une grande salle qui était, possiblement, un hangar à tanks. Facile à déduire, puisque deux ou trois autres tanks s’y trouvaient encore. Puis nous avons vu quelqu’un immobile, dissimulé dans l’ombre : il aurait été facile de le descendre (il ne nous avait pas encore vu), mais nous avons préféré vérifier avant si il ne s’agissait pas de Flash. Un coup d’émetteur nous a appris que c’était notre « brebis égarée ». Nous étions à nouveau réunis, et je crois qu’il n’était plus tout à fait dans les plans que nous nous séparions. D’ailleurs, si on se fiait aux casques d’écoute ennemis, nous avions été repérés.

À partir du hangar principal, l’expédition prend un passage qu’un plan sur scanner leur indique : ils se retrouvent à gravir un haut escalier jusqu’au sommet d’une tour où se trouvait un ordinateur.

J’ai complètement oublié ce que nous avons recueilli comme information à cet endroit, mais je me rappelle ce que nous avons entendu sur les ondes ennemies quelques minutes plus tard…

Dans le casque d’écoute, on peut entendre la discussion suivante :

- Chef, les envahisseurs ont grimpé dans la tour principale.
- (voix criarde et hystérique) Alors faites sauter la tour !!!
- Mais, chef, l’ordinateur et les radars s’y trouvent !
- C’est une perte négligeable : il y a encore l’ordinateur principal. Faites ce que je vous ordonne, faites sauter cette maudite tour !!! »


Plus de temps à perdre, nous devions partir. Nous avons dévalé les marches peu de temps avant que les tanks commencent à attaquer et personne n’a été blessé. Nous étions de retour au hangar des tanks et leurs « joujous » s’y trouvaient encore… Ça m’a d’ailleurs donné une idée…

6e partie: les Larson

Shannon avait des renseignements à nous faire parvenir en personne et Loki voulait retourner auprès de lui (il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre…). Nous avons donc arrangé un point de rendez-vous dans un motel de banlieue. Entre-temps, Loki nous a averti (ou plutôt avait prévenu Flash, dont le vrai nom était en fait Carol Zender) que son frère, Cecil, avait été libéré de prison. …Ok. Il semblerait que notre « chef vénéré » n’ait plus aucune bonne raison de nous faire la morale! J’ai eu envie de piquer Flash à ce sujet, juste pour le mettre en colère encore une fois, mais je me suis retenue. En fait, j’avais de moins en moins de temps pour les sarcasmes à son endroit : de toute façon, Blink y arrivait très bien toute seule… Loki m’a dit plus tard que ce type, Cecil Zender, était un vrai cinglé, adepte des balles dans la tête pour un rien, mais qu’on l’avait malgré tout mis à la tête de la branche la plus fanatique de l’armée de l’UCAS : la Anti-Elven Comity (AEC, si vous préférez). …Les humains sont vraiment cons…

Nous nous sommes rendus au point de rendez-vous et avons échangé des infos avec Shannon (n.b. : White Reaper, Kyle Valentine de son vrai nom, est effectivement apparenté à Shannon… il s’agit de son frère). En sortant, on a eu des ennuis : ça a commencé par un nuage de corneilles qui nous ont attaqué… on constate ensuite qu’ils ont été appelés par un chaman (qui s’avérait être le réceptionniste de l’hôtel, celui-là même qui nous a accueilli à l’entrée)… puis un homme en fer a quitté de sa cachette avec l’intention évidente de nous faire passer un mauvais quart d’heure (nous nous serions rendus à la tête du train, lors de notre première mission ensemble, nous l’aurions reconnu…). Déjà que nous étions en difficultés à cause des corneilles, nous n’avions pas l’intention de nous attarder quand Robocop est arrivé! Nous avons donc fui dans notre véhicule, laissant Loki et Shannon derrière nous (comme ils étaient encore à l’intérieur lorsque nous avons été attaqués, j’en déduis qu’ils ont réussi à quitter les lieux sans trop de mal).

Simple parenthèse : est-ce que je vous ai dit que Blink se méfiait à la fois de Shannon et de Tiphereth (pour des raisons différentes)? Elle me l’a avoué, elle se méfiait de Shannon parce qu’elle croyait qu’il s’agissait de White Reaper sous une autre identité… une sorte de dédoublement de la personnalité (ça me fait rire, quand j’y pense… je vois mal Shannon avec un cimeterre en main, prêt à trancher des gorges…). Et concernant Tiphereth… quand il est tombé face à face avec Kyle (qui ne l’a d’ailleurs pas attaqué), le petit a été voir Blink et lui a dit qu’il voudrait la peindre… la tête en moins, aux pieds du White Reaper. Depuis ce temps, Blink a une dent contre Tiphereth.

Parlant de Tiphereth, il a préféré dormir dans la cabane plutôt que dans la maison (oui, celle qui sert de dojo à Blink). Avant de partir pour la mission dont je vais vous parler, il a commencé à peindre sur les murs… Oui, des choses un peu macabres… Mais bon, tant que ça ne l’empêche pas de dormir, ce qui ne semble déjà pas être un gros problème pour lui…

Ensuite, que s’est-il passé? Nous avons eu une ou deux missions dont la plus marquante s’est déroulée dans un autre laboratoire… les Laboratoires Larson. Eh non, ce n’était pas pour nous rendre au dit point de rendez-vous, mais bien pour aller y chercher de l’information, encore une fois. Cette fois, nous n’aurions pas droit à des costumes et nul doute que nous nous ferions rapidement repérer. Nous devions donc nous préparer à quelques conflits armés… (Ce qu’il y avait de particulier, juste avant de partir, c’est que Kyle est venu nous rendre une petite visite. Si si! D’abord, il annonçait à Blink qu’il lui laissait une année à vivre, au terme de ce délai il y aurait un duel entre eux. Il disait qu’il faisait ça pour lui donner une chance de s’améliorer (décidément, il jugeait qu’elle était une cible trop facile…). Quand Blink lui a dit que nous devions partir en mission dans les Laboratoires Larson, il a eu l’air d’approuver, en disant qu’elle y trouverait sans doute quelque chose d’intéressant…)

Les détails de la mission sont un peu vagues, mais je me rappelle de l’essentiel, et il est vraiment important que quelqu’un s’en souvienne… D’abord, il y a eu des pièges conçus avec des fouets en monofilament (si vous ne savez pas de quoi il s’agit, imaginez un fil qui coupe tout au simple contact… vous le posez sur votre doigt et il vous le coupe net… ça peut même passer au travers des armures) : Flash (que j’appelais maintenant « Zender ») s’était d’ailleurs blessé sur ces horreurs, mais il a eu de la chance car il aurait très bien pu finir tranché en deux. Puis, il y a eu les gardes de la sécurité. Le nombre n’était pas dérangeant, bien qu’ils aient été plus nombreux que nous. Non, ce qui était sérieusement inquiétant, c’était qu’on avait beau les abattre, les laisser pour morts, qu’ils finissaient toujours par se relever, leurs plaies refermées! Ils se relevaient TOUJOURS! Non, il ne s’agissait pas de zombies : il s’agissait bien d’individus doués d’intelligence et capable de stratégie. Deux possibilités se proposaient : ou ils avaient quelques mages très puissants et rapides sur leurs sortilèges de guérison (nous n’en avons pourtant pas rencontré), ou ces hommes étaient dotés d’une capacité régénératrice à la vitesse démesurée! Incroyable ce que la science peut faire… et nous avons eu notre réponse dans le même bâtiment.

Plus profondément dans l’édifice, nous sommes arrivés dans un endroit faisant penser à une prison : il y avait des cellules de chaque côté du couloir, et des gens y étaient enfermés. On aurait dit des âmes errantes… Des individus comme vous et moi, mais ayant perdu toute foi en la vie, la liberté… Sous alimentés… Rachitiques… Quels supplices leur faisait-on endurer en ces lieux? Pourquoi sont-ils là? Nous avons ouvert une cellule (avec l’intention, bien sur, de tous les libérer!), mais à peine la porte a-t-elle été entrouverte que l’individu, un homme, s’est élancé sur un de nos camarades et a essayé de le mordre. J’ai eu le temps de voir ses canines, de longs crocs : c’était un vampire.

Si j’ai eu le temps de constater ce « petit » détail, je n’ai toutefois pas eu le temps de raisonner l’homme, ni empêcher mes coéquipiers de venir au secours de notre ami en détresse, à grands coups de fusil. Un vampire assoiffé et affaibli n’offre pas une bien grande résistance aux balles, et ça a été notre plus grande chance, mais mes compagnons comprendraient-ils qu’en fait ils n’ont pas abattu un monstre, mais un individu qui aurait bien pu être civilisé? J’ai vécu entourée de vampires pendant une année entière, sans avoir à me protéger avec des gousses d’ail et des crucifix (des mythes aussi faux qu’ils ont la peau dure…), et il n’y a pas eu une seule fois où Shannon ou une de ses domestiques ont essayé de m’attaquer, de me vider de mon sang ou je ne sais quoi encore qu’on voit dans les films d’horreur. Nous devons manger, les vampires le doivent également : c’est regrettable qu’ils doivent s’abreuver d’autres humanoïdes, mais c’est ainsi. Shannon, quant à lui, avait trouvé un moyen de se nourrir sans devoir s’abreuver à une gorge (la science peut faire des miracles…). Ça le rendait civilisé. Ça le rendait « humain ». Et quand je voyais ce qui avait été fait à ces individus, tous des vampires (que nous n’avons finalement pas libéré, par prudence : il n’y a rien de plus incontrôlable qu’un vampire assoiffé, alors imaginez une dizaine!), je me disais que les vrais monstres étaient en liberté et que les vrais « humains » étaient ceux qu’on avait enfermé dans des cages, comme des rats. Horrible… tout simplement horrible…

Je ne sais pas si les autres l’ont compris, mais nous venions de découvrir pourquoi les gardes se relevaient toujours, même criblés de balles. La régénération vampirique. Ces laboratoires avaient trouvé le moyen de donner à leurs soldats une régénération accélérée grâce à l’ADN des vampires, sans qu’ils souffrent de leurs inconvénients (l’extrême vulnérabilité au soleil, la nécessité de boire du sang, etc.). Ces chercheurs sont vraiment des monstres!

Nous avons continué à frayer notre chemin au milieu des ennemis, quand nous sommes tombés sur une autre cellule, isolée des autres. À l’intérieur se trouvait une jeune fille, tout au plus adolescente, qui nous suppliait de la sortir de là. Bon, pas de précaution, on lui demande de nous montrer ses dents. Un peu ahurie par notre requête, elle accepte quand même de nous les montrer … non… ce n’était pas un vampire… On l’a sorti de là. Elle ne nous a pas attaqué (ouf…). Elle nous a dit qu’elle s’appelait Hope et qu’on la maintenait prisonnière ici, sans pouvoir vraiment expliquer pourquoi. Nous commencions, pour notre part, à juger qu’il était temps de se retirer, quand elle nous a dit qu’on ne pouvait pas partir tout de suite, qu’il y avait autre chose à ramasser avant. Bon… Pourquoi pas? Nous avons poursuivi notre chemin et sommes arrivés dans une pièce, une autre salle de recherche, au milieu de laquelle se trouvait… une sphère noire. Une… bête sphère noire. Hope s’est précipitée dessus et a dit que nous pouvions maintenant partir. Nous avons donc plus ou moins rebroussés chemin.

Nous avons rencontré des difficultés… Juste deux, mais elles ont été impressionnantes. En passant dans une des grandes salles que nous avions déjà traversées, nous y avons découvert de la compagnie… des occupantes, deux femmes, toutes les deux semblant à peine sorties de l’adolescence. La première, celle qui semblait être la plus vieille des deux, a envoyé Flash valser contre un mur d’un simple geste de la main; l’autre avait les yeux rivés sur Blink et l’a appelé « Gabrielle »… Blink avait l’air secouée, mais nous ne pouvions pas rester immobiles plus longtemps à cause de l’autre femme qui semblait disposée à nous écraser comme des galettes! Nous avons donc commencé à tirer sur elles (Blink, pour une raison que j’ignorais, y mettait beaucoup moins de cœur, elle a même demandé à ce que nous arrêtions, que nous fuyons), puis nous avons rapidement quitté les lieux quand on a constaté qu’elles avaient les mêmes capacités de régénération que les gardes. Vraiment trop dangereux de rester.

Hope ne nous a pas donné beaucoup d’explication concernant ce que nous avions vus ou même concernant la sphère noire : elle savait que la sphère était importante pour les gens du laboratoire et qu’ils n’apprécieraient sans doute pas qu’elle disparaisse. Hope n’avait pas l’air d’avoir de famille ou même d’amis, et c’est peut-être pour ça qu’elle s’est attachée à nous… Enfin, un membre de plus dans l’équipe, ça ne ferait pas de tort…

Quand nous avons parlé à Shannon de notre mission et que nous avons prononcés les mots « sphère noire », on a eu le droit au spectacle d’un Shannon bondissant d’excitation! Un spectacle plutôt rare… Moi qui avais regardé la sphère sous toutes les coutures, tant physiquement qu’astralement, je n’avais pourtant rien trouvé de particulier à cet item… et Shannon s’emballait pour cette chose? Il nous a dit qu’il était dangereux pour nous de la garder en notre possession et qu’il valait mieux que nous la lui laissons, en échange de quoi il nous donnerait un grand stock de potions de guérison (elles sont très TRÈS efficaces). Une nouvelle fois nous avons arrangé un rendez-vous et nous avons procédé à l’échange. Il nous a assuré que la sphère serait plus en sécurité en Allemagne qu’entre nos mains et il est parti. … Et c’est la dernière fois que j’ai vu Shannon.

5e partie: le labo... et White Reaper

Nous n’avons pas envoyé Tiphereth dans un orphelinat (comme je l’ai dit, Lunatics s’était mis en tête de protéger l’enfant, et une partie de moi considérait que je devais également respecter cette promesse, comme le reste du groupe d’ailleurs) : il a donc logé avec nous pendant tout ce temps… enfin, vous verrez…

Nous avons eu un premier ordre de mission quelques jours plus tard et nous l’avons accepté. L’esprit ne semblait pas nous avoir suivi (enfin, il ne s’est jamais manifesté, peut-être à cause du gigantesque cercle de protection se trouvant au sous-sol…) et l’enfant semblait être capable de se débrouiller par lui-même. Alors pourquoi pas, puisque le lieu de la mission ne se trouvait qu’à quelques heures d’ici? La mission était simple : il fallait infiltrer un laboratoire, ramasser le plus d’information possible (en réduisant au minimum le nombre de morts, cela s’entend), puis quitter les lieux. Rien de bien compliqué. Pour nous faciliter la tâche, nous avions deux uniformes à notre disposition : un de scientifique (un sarrau avec carte d’accès), et un costume de sécurité. Le groupe serait donc divisé en deux, deux personnes qui infiltreraient les lieux déguisés et les autres qui tâcheraient de se présenter avec toute la subtilité donc ils peuvent faire preuve… Loki a donc enfilé le costume de scientifique (avec son data-jack, ça faisait du sens) et moi, même si je ne suis pas particulièrement « carrée », j’ai pris celui de la sécurité.

L’entrée sur les lieux a été très facile, à peine si il y avait un contrôle aux véhicules. La sécurité y était vraiment déficiente (je crois que c’est parce qu’il s’agissait d’un laboratoire encore récent et que la sécurité n’était pas encore tout à fait en place)… On nous avait averti que le laboratoire cachait une organisation beaucoup plus grosse, qu’elle appartenait en fait au GIM KAT, mais il fallait avouer une chose : si la sécurité y était très mauvaise, on ne pouvait pas en dire de même pour la couverture! Avec la rivière qui coulait en plein milieu du bâtiment et le panneau informatique qui indiquait la batterie de tests (effectués à toutes les secondes) sur les composantes et la qualité de l’eau, on avait plutôt l’impression que le laboratoire se spécialisait dans l’analyse et le traitement des eaux.

On peut pas dire qu’il y ait eu de la fusillade et du sang qui ait coulé dans toutes les directions, mais il y a quand même eu quelques morts, à commencer par deux ou trois hommes qui ont culbuté à l’eau (il a fallu pirater le panneau d’analyse, qui avait détecté des « impuretés » et le signalait à grands coups d’alarme) et les deux autres qui ont eu le cou cassé (je détestais encore les humains à cette époque) devant les ordinateurs centraux. Enfin, ça nous a permis de recueillir quelques données, dont les suivantes :

- Le laboratoire appartient bien au GIM KAT, mais, bien sur, une couverture solide empêche les fouineurs de faire le lien entre ces deux organisations. Il semblerait que le laboratoire dans lequel nous nous trouvions reçoit de généreuses donations du GIM KAT, de l’UCAS, de Tir Tairngire et d’une entreprise appelée Larson Laboratories : l’UCAS et Tir investissent davantage que les deux autres, mais, étrangement, c’est le GIM KAT et Larson qui bénéficient le plus des recherches. Autrement dit, les deux pays donateurs se font fourrer royalement.

- Une possibilité nous était offerte d’investir les Laboratoires Larson, que nous n’avons malheureusement pas saisi. Une annonce était diffusée dans l’ordinateur de l’entreprise : on demandait quelques… comment dire… mercenaires ou personnes bien entraînées pour participer à une recherche scientifique. Une adresse nous était indiquée, avec la note que nous devions prendre un train pour s’y rendre. Comme je l’ai dit, nous avons ignoré cette piste, même si certains d’entre nous auraient voulu la pousser plus loin…

Nous avons quitté les lieux sans embrouille et aussi discrètement que nous étions arrivés, puis sommes retournés à la maison. Tiphereth était toujours là. Blink et Flash se sont disputés, une nouvelle fois : cette fois, Blink proposait que nous nous trouvions un second repère au cas où celui-ci serait découvert, mais Flash trouvait l’idée tout bonnement ridicule. Ces deux-là, je me suis toujours demandée comment ça se faisait qu’ils n’en venaient jamais aux coups…

En écoutant les nouvelles, un ou deux jours plus tard, nous avons appris que les lieux où nous avions enquêté avaient été détruits dans une explosion qui a rasé toute la bâtisse. Coincidence? Pas vraiment… La déduction la plus logique était que quelqu’un n’avait pas apprécié notre petite escapade et avait décidé de prendre les grandes mesures…

En fait, autre chose s’est produit quand nous sommes retournés au bercail… Une lettre attendait Blink (adressée à « Sephia » en fait, mais il semblerait que les deux soient la même personne). Signée « White Reaper »… Blink me l’a fait lire : c’était une lettre très ironique, qui narguait beaucoup notre camarade. Grosso modo, ça disait que son étrange déguisement (sans doute du à ses nouveaux camarades, de mauvaises influences) ne l’avait pas trompé et qu’il avait retrouvé sa trace. Elle m’a ensuite expliqué son histoire, m’a parlé de ses parents qui avaient été tués sous ses yeux et de sa main qui avait été tranchée net par cet homme (en remplacement, elle avait une main cybernétique qu’elle avait en dégoût). Cet homme savait donc où elle se trouvait, et voulait sa peau plus que jamais… Mais concernant cette histoire, nous n’étions pas au bout de nos peines…

… car l’assassin s’est pointé dans la même soirée, alors que Blink se trouvait dans la cabane de bois, qu’elle avait converti, comme elle le pouvait, en dojo. White Reaper l’a empoisonné. Je ne suis pas certaine de la manière dont il s’y est pris, mais je crois qu’il lui a lancé un dard empoisonné ou qu’il lui a donné un coup de lame humectée de poison… Toujours est-il que Loki et moi l’avons trouvé assise par terre, en pleine méditation. Pour l’aider à venir à bout du poison, Loki m’a dit qu’il fallait l’étendre, ce que nous avons commencé à faire. Ça a sorti Blink de sa transe qui, pour récompenser notre aide, a balancé un coup de poing qui s’est terminée sur la mâchoire de Loki! Ça a rendu Loki furieuse, qui a quitté la cabane en claquant la porte derrière elle. Quand j’ai demandé à Blink pourquoi elle avait fait ça, elle m’a répondu que c’était parce qu’elle se sentait « capable » de se guérir par elle-même, qu’elle n’avait pas besoin d’aide, juste de méditation. Bon. Ou le poison lui avait affecté l’esprit, ou elle avait raison (dans le cas où elle aurait tort, elle ne semblait de toute façon pas d’humeur à entendre un avis contraire au sien…). Je n’avais donc pas vraiment le choix : je suis sortie à mon tour, et me suis postée à côté de la porte, en cas d’urgence. La soirée était à peine fraîche, je pouvais donc me permettre de faire le guet pendant une heure ou deux…

Quand je disais « en cas d’urgence », c’était parce que, visiblement, l’urgence viendrait de L’INTÉRIEUR de la cabane : comment étais-je supposée deviner que le traqueur reviendrait? Car, oui, il est revenu… Il avançait à pas lents dans ma direction, ou devrais-je plutôt dire en direction de la cabane, son épée (sans doute le cimeterre le plus étrange que j’aie jamais vu) pendait à sa taille. La même nonchalance que si il se baladait dans un lieu public, comme si sa présence allait de soi… Il ne portait rien d’autre qu’une longue robe blanche toute simple, semblable à celle d’un prêtre. Mais quand j’ai vu son visage… j’ai arrêté de respirer. J’étais sous le choc.

La ressemblance était ahurissante : c’était le portrait tout craché de Shannon! Mis à part que Shannon montrait fièrement les cheveux poivre et sel, lui n’avait aucun poil grisonnant. Aucun. Ça aurait pu être le petit frère de Shannon. Ils étaient… identiques. Vous vous doutez bien que, en quelques secondes, une FOULE de questions m’ont traversé l’esprit, dont « est-ce que je peux lui faire confiance? » Shannon ne m’avait jamais parlé de lui : y a-t-il une bonne raison pour ça? Sont-ils en chicane? Se détestent-ils? Ne sachant pas quoi penser de lui, me souvenant qu’il était peut-être là pour finir le travail qu’il avait commencé moins d’une heure plus tôt, j’ai levé mon pistolet dans sa direction. Pour tout geste, il s’est contenté d’un sourire en coin et m’a dit :

« Tu sais bien que ces choses-là ne peuvent pas me blesser. »
Oui, je le savais. Et je me doutais aussi que ma magie ne serait pas à la hauteur face à un vampire au mieux de sa forme. Je n’avais pas particulièrement envie de terminer en rondelles (ou vidée de mon sang, au choix), mais je ne pouvais pas non plus abandonner Blink…

« Que voulez vous?, lui ai-je répondu.
- Oh, seulement voir comment elle va. »

Il a continué à avancer, et je me suis poussée de la porte, juste un peu, tendue comme une corde d’arc. Si il avait voulu me tuer, il l’aurait fait il y a longtemps. Si il aurait voulu LA tuer, il aurait agi en conséquence (j’aurais peut-être été un extra sur son tableau de chasse, ou il m’aurait envoyé valser plus loin d’un simple mouvement de poignet). Je devais donc, à défaut d’avoir confiance en lui, croire en ses paroles.

Il n’est pas entré dans la cabane. Il est resté sur le pas de la porte, à la regarder alors qu’elle luttait encore contre le poison. Je lui ai dit que nous avions voulu la soigner, mais qu’elle avait refusé notre aide, qu’elle avait décidé de s’en sortir par elle-même. Il m’a répondu qu’elle allait sûrement s’en sortir, que le poison n’était pas très dangereux. Il est parti en me lançant une toute petite recommandation : celle de bien surveiller nos enfants, parce que les bois sont rarement surs…

Il fallait que je parle à Shannon…

4e partie: Dream

Guidée par Flash, Loki nous a conduit dans une région isolée où, également en plein cœur d’une forêt (pas la même, une autre), se trouvait une petite résidence. Ça ressemblait à un chalet, à dire vrai. Au fil de notre voyage, nous avons soutiré bien peu d’information à notre jeune ami, mais le déplacement de dernière minute ne semblait pas l’affecter. En avait-il l’habitude ?
À peine avions-nous descendu du véhicule que nous avons été accueilli par un « éclair bleu » qui a jailli hors de la maison pour se précipiter dans les bras de Flash. En fait, il s’agissait d’une très belle femme, une humaine, aux cheveux bleus. Elle serrait « Rambo » dans ses bras avec une affection presque dérangeante et, bien qu’ils n’aient pas fait le moindre geste pour s’embrasser, j’aurais franchement préféré qu’ils gardent leurs étreintes pour la chambre à coucher. Mais c’est quand elle s’est retournée que je l’ai reconnue…

… Dans le château de Shannon, en Allemagne, il y avait un tableau sur lequel Shann semblait poser un regard différent des autres : une belle humaine aux cheveux bleus appelée « Dream ». Il m’a parfois parlé d’elle, mais au final je réalise qu’il m’a dit bien peu de choses à son sujet. J’ai cru comprendre qu’ils étaient très amoureux l’un de l’autre, mais qu’elle a soudainement disparu il y a 5 ans, alors qu’elle investiguait une corporation. Ce que je sais d’autre de Dream, c’est qu’elle est à l’origine de la création du jardin d’hiver se trouvant dans une des ailes du château, et qui est demeuré entretenu suite à son départ. Croyez-vous vraiment que ça m’a fait plaisir de revoir cette… femme disparue d’on ne sait où et qui ne prend pas la peine de donner des nouvelles à son amoureux ? Cette femme qui a brisé le cœur de Shannon ? Non, pas particulièrement… Ça ne l’a pas pour autant empêché de nous accueillir d’une manière fort chaleureuse et hospitalière. J’ai eu l’occasion d’être seule avec elle, un bref instant, et je lui ai dit que Shannon voudrait sûrement la revoir… Sa réaction m’a rendue perplexe : elle a poussé un soupir vaguement agacé, comme pour dire « pas encore lui… ». Étrange pour une amoureuse… Je n’ai plus jamais mentionné Shannon en sa présence, mais je me suis promis à ce moment-là que Shannon serait au courant de son apparition…

Elle reste songeuse quelques instants… puis vous regarde en souriant, une étincelle malicieuse dans le regard :

Il faut que je vous raconte une anecdote… Pas qu’elle soit importante dans le déroulement de l’histoire, mais elle m’a bien fait rigoler ! Quand nous sommes arrivés à la maison, nous avions tous très faim. Dream a quitté la maison après avoir soigné toutes nos blessures (elle a un sortilège de guérison qui va jusqu’à guérir la fatigue, ce que je n’avais jamais vu avant), mais nous n’avions toujours pas mangé. L’un de nous a réussi à faire cuire du poulet (bon, il n’était pas mauvais), mais, voyez-vous… l’enfant, Tiphereth, ne voulait pas en manger. Quand Flash lui a demandé ce qu’il voulait manger, il lui a répondu, en le regardant droit dans les yeux, avec tout le sérieux du monde, qu’il voulait « une salade césar, avec la sauce appropriée et des champignons »… Flash a voulu me mettre la responsabilité sur les bras (sous prétexte que je suis une femme… sale misogyne)… mais je lui ai répondu que c’était à lui de le faire, puisque c’était à lui que l’enfant avait fait sa requête. Oui oui, Flash s’est exécuté ! … Comment était la salade ? Comment dire… L’enfant ne l’a pas mangé (il a mangé une pomme à la place), et aucun de nous a osé y toucher. Même quand le réfrigérateur était à son plus vide, le bol de salade se trouvait toujours dans le réfrigérateur. Ça démontre bien l’étendu du talent culinaire de Flash… Un bien meilleur tireur que cuisinier.

Après une bonne nuit de sommeil, on a appris dès le lendemain matin, moi avant tout le monde, que le chalet n’appartenait pas à Dream, mais à un groupe d’elfes qui faisaient du trafic illégal entre Tir Tairngire et le « reste du monde ». Je l’ai découvert assez rapidement quand, au réveil, j’ai senti une autre présence dans le lit, qui n’était pas là la veille ! Tiens tiens, je ne me rappelais pas avoir invité quelqu’un d’autre à partager MA couche ! L’homme qui dormait à côté de moi avait beau être un très bel elfe, c’était une plaisanterie que je n’ai pas beaucoup aimée ! Bref, je me suis empressée de m’habiller et j’ai filé hors de la chambre. Comme je l’ai dit, le chalet appartenait déjà à une bande de trafiquants elfes (dont le chef s’appelait Shot, je crois – l’homme avec qui j’ai passé une nuit… inoubliable) et une entente avait été conclue entre Dream et eux pour que cet endroit soit notre QG commun. Nous ferions en sorte de ne pas nous marcher sur les pieds, un groupe serait dans le logis alors que l’autre serait sans doute en mission…

Suite à nos mésaventures (le train, la Lone Star, la villa…), nous avons eu droit à quelques jours de repos. En dehors des exploits culinaires de Flash, que s’est-il passé ? Lunatics a ramené du matériel de peinture pour Tiphereth, ce qu’il a eu l’air d’apprécié, malgré son absence d’émotion. Flash nous a dit qu’il faisait partie de la Rébellion, un groupe d’activistes qui luttaient contre une guerre imminente opposant Tir Tairngire et l’UCAS. En le suivant, nous ne serions pas une branche… officielle de la Rébellion, mais nos actions contribueraient dans ce sens. Flash est donc, par esprit de logique, devenu le chef de notre groupe, bien que ses ordres lui viennent visiblement de Dream.

Il y a eu les éternelles disputes entre Flash et Blink : ça me faisait un nouveau point en commun avec Blink, que je commençais à trouver sympathique. Lui m’agaçait parce que nous n’arrivions jamais à nous entendre (c’est juste une saleté d’humain, je vous le rappelle !), elle ne pouvait pas le sentir parce qu’il ne prenait pas ses conseils au sérieux, sous prétexte qu’elle manquait d’expérience, qu’elle n’y connaissait rien. Pour un chef, il savait vraiment comment maintenir l’unité dans le groupe ! Bravo, Flash ! Blink s’était trouvée un lieu d’entraînement dans la petite cabane en bois près du chalet : je crois qu’elle y pratiquait des arts martiaux et qu’elle y méditait également.

Deux découvertes étranges ont été faites… à moins que je doive appeler ça des constatations… D’abord, en cherchant de la pâte à dents dans la pharmacie de Dream, j’y ai trouvé… des tonnes de médicaments ! La pharmacie en était pleine !!! Est-ce qu’une femme aussi jeune et vive que Dream pouvait en avoir besoin d’autant ?! N’ayant aucune connaissance en médecine, je ne pouvais pas dire à quoi servaient toutes ces pilules… L’autre observation m’a été rapportée par Loki : elle avait remarqué que Tiphereth ne dormait… à peu près jamais. Non seulement il ne semblait pas avoir besoin de sommeil, mais il n’avait jamais l’air fatigué non plus ! Je n’ai jamais trouvé de réponse à cette énigme, et Loki non plus.

Il ne s’est rien passé d’autre, et c’était très bien comme ça : par la suite, c’est à peine si nous avons eu du temps pour respirer…

3e partie: Tiphereth

Karen se penche et prend un verre de Perrier posé sur une table basse qui n’était pas là il y a quelques instants : un second verre s’y trouve également, laissé à votre attention. Elle porte le verre à ses lèvres et prend une longue gorgée, les yeux entrouverts, déguste un instant le liquide pétillant avant de l’avaler.

« Remuer de vieilles histoires me donne soif… »

Reposant le verre sur la table, elle se tourne à nouveau vers vous :

« Alors où en étais-je? …Ah oui… Comme je le disais, ma sieste, comme celle des autres passagers, a été de courte durée. Sans avertir, Loki a fait une manœuvre brusque vers la gauche et la Jeep a dérapé avant de basculer sur le côté. Il était vrai que les conditions routières étaient exécrables : non seulement nous n’étions pas sur une route, mais un orage avait commencé à se développer au dessus de nos têtes et la pluie avait déjà rendue le terrain impraticable. Le résultat du coup de volant était donc prévisible… Heureusement, il n’y a pas eu de blessures graves (quelques entailles causées par les débris de verre, quelques contusions, rien de grave), mais certains parmi nous ont toutefois perdu conscience pendant un bref instant.

« Lunatics, qui était assis à l’avant, était persuadé qu’un enfant avait croisé notre chemin, d’où la raison du dérapage. « Allons donc, lui ai-je dit, vous avez sûrement eu des hallucinations! » Mettez-vous quand même à ma place : que voudriez-vous qu’un enfant fasse en plein milieu des bois, la nuit, sous cette pluie torrentielle? Qu’est-ce qu’un enfant ferait là? Mais Lunatics maintenait ses propos : il avait vraiment vu un enfant. … Quand Loki, qui avait perdu conscience, s’est enfin réveillée, la première chose qu’elle a demandée était « est-ce que j’ai frappé l’enfant? ». Et une victoire pour la poubelle ambulante!

« Il était évident que nous ne pouvions pas rester dans la voiture : la position « latérale » du véhicule était très inconfortable pour ses passagers. Loin d’être l’idéal pour nous reposer! D’autant plus que nous risquions d’embourber davantage notre véhicule en restant à l’intérieur. C’est là que Loki s’est souvenue avoir aperçu, quelques instants avant l’incident, une lumière dans les bois. De toute évidence, une habitation se trouvait à proximité. Si nous pouvions y passer la nuit (à condition qu’on nous accorde l’hospitalité…), nous pourrions nous reposer et nous serions en de meilleures conditions pour nous occuper de la Jeep le lever du soleil, dès que le ciel serait plus clément… Le plan était bon et tout le monde y a adhéré. Nous nous sommes donc mis en marche.

« Il y avait bien une lumière. Elle provenait du deuxième étage d’un manoir. Comme aucun fil électrique ne semblait se rendre jusqu’à la maison, on en a déduit que ça venait sans doute d’une chandelle ou d’une lampe. Il était temps que nous arrivions : nous avions beau être dans les bois, nous frissonnions, trempés jusqu’aux os. Nous avons rapidement gravi les escaliers et l’un de nous a frappé à la porte…. Aucune réponse. Nous avons à nouveau frappé… Toujours rien. On ne nous avait pas entendu. Nous avons donc poussé la porte et sommes entrés.

« Le hall d’entrée était impressionnant. Une grande pièce s’étirait devant nous, et se terminait dans un large escalier qui se divisait en deux et pointait vers les côtés gauche et droite du second étage. Au premier, il y avait deux portes de chaque côté de nous. La seule source de lumière se limitait aux chandeliers accrochés aux murs, et leur lueur tamisée ajoutait quelque chose de sinistre à la pièce. L’un de nous a appelé à voix haute, demandant si il y avait quelqu’un… mais seul le silence nous a répondu. Rien pour rassurer… Si j’avais écouté mon instinct, j’aurais fait demi-tour et filé en direction de la voiture, et au diable les bonnes nuits de sommei! … Je me suis contentée de pousser un commentaire sur les lieux, disant à qui voulait l’entendre que ça me rappelait quelques vieux films d’horreur: du coup, je me suis retrouvée engagée avec Blink dans une discussion sur le cinéma d’épouvante.

« Comme personne ne nous répondait, nous avons donc décidé de nous asseoir un moment dans le couloir pour récupérer un peu et panser les blessés. Bon, j’ai essayé d’être gentille avec Rambo (qui s’appelait en fait « Flash ») et soigner magiquement ses blessures. Il m’a repoussé. Il m’a dédaigné! Môôôsieur n’aime pas la magie! Elle était bonne, celle-là : j’aurais été en position de lui sauver la vie qu’il m’aurait repoussé parce qu’il n’a pas confiance en la magie. Pff… maudit humain… Loki s’est chargée de son cas. Bon débarras.

« Comme nous n’avions plus rien à faire, nous sommes partis en exploration des lieux (et à la recherche des habitants, bien entendu). En fait, Lunatics avait déjà commencé sans nous. … C’est d’ailleurs lui qui a trouvé les premiers occupants… les premiers cadavres. Dans la salle à dîner, trois personnes vêtues de blanc étaient étendues par terre, la peau violemment lacérées. Une femme, également habillée en blanc, s’est élancée dans les bras de Lunatics et lui a dit que son fils se trouvait quelque part dans la maison : elle lui a fait promettre de le protéger… mais au même moment, un couteau, lancé d’on ne sait où, s’est planté dans la tête de la femme et elle s’est écroulée, morte.

« Ce qui s’est passé suite à cet épisode peut paraître illogique, mais c’est quand même ce qui s’est produit. Nous avons divisé notre groupe en deux : Blink et moi sommes restés dans un petit salon, la pièce voisine à la salle à dîner, Lunatics, Flash et Loki ont continué leur tour d’exploration. Blink, qui était affamée, s’est mise en quête de quelque chose à grignoter. Pour ma part, j’étais épuisée (la magie, ça vide, et je savais que je ne serais efficace que reposée). Alors que Blink se débattait joyeusement avec les boîtes de conserve (de la vraie nourriture ! Savez-vous comment il est rare d’en trouver aujourd’hui ?), je me suis étendue de travers dans un fauteuil et me suis assoupie. Oui, j’ai tenté de dormir alors qu’il y avait des morts à deux pas de moi et que leur meurtrier courrait peut-être toujours dans la maison. Mais ce n’était décidément pas mon soir de chance : moins d’une dizaine de minutes plus tard, j’ai été réveillée en sursaut par des coups de feu, non loin de moi. Blink n’avait trouvé d’autres moyens de me réveiller et d’alerter le reste de l’équipe… car les morts s’étaient levés ! D’ailleurs, il y en avait un qui se tenait à 5 mètres de moi et qui progressait lentement dans ma direction. Bénissant silencieusement la promptitude de ma jeune camarade, j’ai bondi hors de mon fauteuil et j’ai fait en sorte que le meuble se trouve entre l’indiv… l’homm… le… ça et moi. L’analyse de la situation a été rapide : l’homme qui progressait vers moi était bien habillé comme un des cadavres, et bien que je n’aie pas vu leurs visages, il me semblait évident que personne avec des plaies aussi largement ouvertes auraient pu marcher sans gémir de douleur, sans tenter de retenir le sang qui coulait toujours… Du coin de l’œil, je voyais Blink qui combattait ses deux adversaires, se servant de la table pour n’en combattre qu’un à la fois, distribuant coups de pied et coups de fusil avec adresse (tiens tiens, un adepte physique… toujours utile). De mon côté, j’ai balancé une boule de feu à mon adversaire… ce qui n’a pas eu l’air de le ralentir. Je l’ai achevé d’une balle dans la tête.

« Je ne me souviens plus si nos coéquipiers sont arrivés vers la fin du combat ou après, mais ils ont accouru aussi vite qu’ils le pouvaient. Notre histoire de morts qui se relèvent a été difficilement crue (Lunatics prenait un malin plaisir à nous traiter de folles), mais la nouvelle directive a été claire : on ne se sépare plus ! En fait, ce qui n’aidait pas à notre crédibilité, c’est que Blink affirmait qu’il y avait quelqu’un d’autre dans la pièce au moment de notre rixte. Quels mots avait-elle utilisé déjà ? Ah oui… Après le combat, elle avait essayé de « voir les choses autrement » et avait réussi. Elle avait vu un individu en robe longue, le visage caché sous un long capuchon. C’était tout ce qu’elle avait pu voir avant qu’il ne disparaisse. Personne n’avait vu qui que ce soit sortir de la pièce. Étant la seule magicienne du groupe, j’en ai déduit que Blink avait réussi à percevoir quelque chose voyageant dans le monde astral (tous les magiciens peuvent le faire, certains peuvent même sortir de leur corps pour y voyager, et je sais que certains adeptes peuvent également le faire), et que c’était visiblement un ennemi à ne pas négliger… Personnellement, je n’avais jamais entendu parler de sortilège qui puisse lever les morts, ou même ramener les morts à la vie, mais je sais que des magiciens très inventifs peuvent créer des sortilèges à partir de la magie « standard ». Pour créer un sortilège qui s’approcherait de la nécromancie, il fallait avoir affaire à un individu particulièrement cinglé… Si il s’agissait d’un magicien, nous le retrouverions éventuellement dans cette maison, (un mage s’éloigne rarement de son corps, encore moins sur une grande distance). L’autre hypothèse… c’était qu’on ait affaire à un esprit ou toute autre créature dite « magique », et ça ce n’était pas rassurant. Encore aujourd’hui je ne sais pas grand-chose des esprits (Shannon savait que je n’arriverais jamais à en conjurer : certains magiciens y arrivent, d’autres non) ; j’étais donc mal placée pour savoir si les esprits avaient la capacité de lever les morts ou non. Si nous avions affaire à un esprit, nous serions confrontés à un adversaire contre lequel je n’avais que peu de connaissances…

« Nous avons continué dans l’aile droite du premier étage, et sommes arrivés dans une pièce vraiment étrange… et… très belle à la fois. Une grande pièce avec des bacs de roses partout, et au centre de la pièce se trouvait une fontaine. L’un de nous a eu l’étrange idée de se pencher au dessus de l’eau et y a vu… une horloge submergée, les aiguilles immobiles. L’un de nous, ailleurs dans la pièce, a trouvé un mot qui parlait d’heure et de passage qui s’ouvre. Pas difficile de comprendre qu’un mécanisme était lié à l’horloge et, qu’une fois qu’elle serait à la bonne heure, un passage s’ouvrirait. Pour raccourcir l’histoire, Flash a trouvé le mécanisme et le passage s’est finalement ouvert.

« Je passe rapidement tout ce que nous avons vu : nous avons trouvé dans une pièce six cadavres autour d’un pentagramme (l’histoire de l’esprit tenait encore debout : essayaient-ils de créer ou d’appeler un esprit, qui a finalement échappé à leur contrôle ? Essayaient-ils de protéger ou de bannir quelque chose ?). J’ai passé la pièce en vision astrale… et je l’ai vu. Comme Blink l’avait décrit. Mais j’avais, en prime, eu le temps de voir ses mains squelettiques qui se sont levées, ont fait un geste vague dans les airs avant de disparaître (bien entendu, personne à part moi l’a vu)… et l’instant d’après les morts se sont levés pour nous attaquer. Mus par un accord silencieux, nous nous sommes contentés de courir vers la sortie et de refermer la porte derrière nous, économisant ainsi des munitions.

« Nous serions bien partis dans la seconde qui a suivi… mais encore fallait-il trouver l’enfant ! Et croyez-vous qu’il nous a suffi d’éviter les morts pour que tout aille bien ? Bien non ! Le passé est un grand tourmenteur et il s’est également mis de la partie… Ça a commencé par une première toile, accrochée à un mur, signée « Tiphereth ». Un bateau de guerre au port d’une ville. Blink n’en était pas certaine, mais elle a dit que le bateau éveillait quelque chose de familier, qu’elle avait déjà mis les pieds dans un lieu ressemblant à celui-là, lors d’une mission… Il y avait d’autres tableaux étranges (un boisé en plein milieu d’une ville d’où cinq points lumineux et gigantesques brûlaient en forme de pentagramme, pour ne nommer que celui-là)… mais l’un d’eux a provoqué une réaction violente chez Flash, au point qu’il ressente le besoin de saisir quelque chose, n’importe quoi, et de le fronder contre un mur. Il lui a fallu quelques minutes pour reprendre ses esprits avant qu’il nous explique enfin… Il y avait trois personnes sur le tableau : deux ex-coéquipières de Flash (Karine et Amélia), ainsi qu’un vieil homme qu’il avait rencontré lors d’une mission. Karine, reconnaissable par sa gigantesque faux, ainsi que le vieil homme, se trouvaient debout, alors qu’Amélia était allongée sur le sol, décapitée. Cette scène, Flash nous l’a dit, n’a jamais eu lieu, mais Karine a trahi son équipe, et Amélia a été internée, rendue folle par certaines expériences désastreuses survenues lors de leurs aventures. Visiblement, que quelqu’un ait peint un épisode de sa vie dont LUI SEUL devrait se souvenir était au dessus de ce qu’il pouvait admettre, était tout bonnement inconcevable! Mais le pire aux yeux de Flash (et il insistait sur ce point), c’était que cette histoire remontait à l’année dernière alors que le tableau avait été peint il y a quatre ans, à en croire sa datation… Aucun tableau ne s’est adressé à Lunatics, Loki ou moi, mais c’était très bien comme ça…

« Nous avons continué notre « promenade digestive ». À une ou deux reprises, nous avons entendu un violent rugissement et des bruits, des craquements, comme des portes qu’on défonce. Nous avons pressé le pas. Et puis… nous avons ENFIN trouvé l’enfant, un enfant d’une dizaine d’année tout au plus… Il était assis sagement, à peindre un tableau. Au pas de sa porte se trouvait un cercle de protection (un cercle TRÈS puissant), mais nous l’avons passé aisément. Visiblement, sa puissance s’appliquait pas à nous. L’enfant peignait toujours, ignorant notre présence. Ce qui était… inquiétant, c’était qu’il avait beaucoup d’autres toiles autour de lui, et que toutes avaient le même nom d’auteur : Tiphereth… Tiphereth… Tiphereth… C’était donc lui ?! C’était lui qui avait peint tout ça ? C’était donc avec un certain malaise que nous nous sommes adressé à lui, que nous lui avons annoncé la mort de sa mère, que nous allions nous occuper de lui dorénavant… Notre malaise monta d’un cran quant à l’attitude de notre jeune interlocuteur : il n’avait aucune émotion. Pas de peine, pas de peur, pas de colère, même pas un once de snobisme ou d’arrogance. Ça ne ressemblait même pas à de l’indifférence : c’était plutôt comme si il était incapable de ressentir la moindre émotion… Bon, nous n’avions vraiment pas de temps à perdre ici, alors allons nous-en !

« Ça aurait sans doute été plus simple de partir si, dans la pièce voisine, il n’y avait pas eu ce gros monstre ailé, faisant 3 mètres de haut, pour nous servir de comité d’au revoir… ou de portier? Visiblement, il n’avait pas l’intention de nous laisser partir. Tout à fait entre nous, j’ignorais d’où il sortait, et comment nous allions nous en débarrasser, mais mes compagnons ne se sont pas vraiment questionnés à ce sujet et ont commencé à tirer. Dès les premiers instants du combat, certains d’entre nous ont découverts (comme quoi l’intelligence humaine existe…) que le cercle pouvait nous protéger contre le monstre. Bingo ! Bon, Flash a eu le temps de se faire blesser par les griffes démesurées de cette chose, mais à mes yeux c’était un menu détail… J’ai senti quelque chose tirer sur ma manche : c’était le petit garçon, Tiphereth. Il m’a pointé quelque chose dans le vide, en direction du mur opposé. Alternant en vision astrale… (Elle soupire : )… le fantôme ou l’esprit était là. C’était donc lui qui contrôlait la créature, comme il contrôlait les morts ? Donc… oui, je vois que vous comprenez, si je détruisais l’esprit, le monstre disparaîtrait également. J’ai donc commencé à attaquer notre « ami astral ». Tiphereth en a fait de même (cet enfant est décidément une surprise sur pattes…) avec un sortilège d’éclair. À nous deux, nous avons pu arriver à quelque chose. Les deux ont disparu en même temps, l’esprit et le monstre. Alors que nous nous félicitions pour cette victoire, l’enfant a pété notre bulle en nous disant que l’esprit n’était pas mort, qu’il allait revenir, ce qu’il faisait à chaque fois. L’enfant n’en était donc pas à sa première confrontation… Ce que lui voulait l’esprit, ça ne semblait pas plus clair pour lui que pour nous, mais nous savions que nous devions protéger le petit Tiphereth à tout prix…

« Nous avons filé hors de la maison (le jour commençait à poindre, la pluie avait cessé) et avons redressé notre véhicule. Guidée par Flash, qui avait, selon ses propres dires, une bonne planque, Loki nous a conduit vers un repaire où nous pourrions finalement dormir… et entrer, pour la première fois, en contact avec la Rébellion… »

2e partie: le train

« Au début, je ne connaissais rien (ou presque) de la Rébellion, devenue plus tard la Revolution Party, et il en était de même pour mes compagnons. Pour ma part, mon histoire a débuté alors que mon amie Loki et moi habitions chez Shannon Valentine, un des plus brillants chercheurs que cette terre ait connu. Une année de luxe auprès de ce vampire (respectueux des veines des autres, je précise) avait de quoi nous changer de notre existence crève faim dans les rues de Portland (à Tir Tairngir), et nous n’avons jamais eu de raison de nous en plaindre. Je ne m’attendais pas à revivre à nouveau la dureté de la rue, mais c’est pourtant ce qui s’est produit…

« Les sources de Shann lui avaient appris qu’un train bourré d’explosifs allait être à l’origine de la destruction d’une ville. Pour éviter ce massacre, il a donc contacté un mercenaire répondant au nom de Whisper. Ce fut de plein gré que j’ai accepté de participer à cette mission (bien que la dernière fois que j’avais tenu un pistolet entre les mains remontait à… oh… une éternité…). Je sentais que je devais le faire, que je devais à nouveau être confrontée à cette partie… reniée de ma personne. Je n’avais besoin d’aucune autre raison. Nous avons donc été ensemble, Shannon, Loki et moi, au point de rendez-vous et avons été présentés au reste de l’équipe. Nous avons rapidement constaté que Whisper manquait à l’appel : il avait été blessé mortellement lors de la précédente mission et l’équipe, enfin un membre en particulier, semblait en être démoralisé. Il ne nous restait plus qu’à faire connaissance…

« Sur la très petite troupe, deux individus avaient attiré mon attention. D’abord, il y avait une gamine, encore adolescente, du nom de Blink. Peut-être était-ce du à son air punk, sa tête à moitié rasée sur laquelle était tatoué un « Mr Smiley » sorti d’un film d’horreur, ou à ses vêtements cent fois usés et troués, mais je n’étais pas particulièrement pressée de m’en faire une amie. Tenant entre ses mains des écouteurs walkman brisés en deux, elle foudroyait du regard une poubelle appelé Lunatics. Cet homme-là empestait les cyber implants et n’inspirait pas davantage la confiance. Il y avait un je-ne-sais-quoi chez lui d’un peu trop Shadowrunner. Impossible d’avoir confiance en ces gens-là : ils changent d’allégeance aussi rapidement que l’argent leur tombe entre les mains... Plus tard, j’ai appris que, selon les propres dires de la « Stupid Trashcan », Lunatics venait d’être introduit dans l’équipe par Whisper; mais comme Blink n’en a jamais eu de confirmation par Whisper lui-même (pas plus que le reste de l’équipe d’ailleurs), elle a décidé de ne lui accorder aucune confiance. Sage décision, Blink…

« Nous nous sommes donc préparés et, sous le couvert de la nuit, nous sommes rendus à la gare d’où le train devait partir. Les lieux n’étaient pas très surveillés, mais juste assez pour nous ralentir. Puis, tout s’est passé très rapidement : au plus fort des échanges armés, nous apprenons qu’un autre intrus est sur les lieux et qu’il tire également sur les gardes. Nous n’avons pas eu le temps de nous questionner là-dessus, car le signal du départ du train venait d’être donné! Il a fallu courir. Le train était déjà en marche quand nous avons réussi à grimper, aidés par un humain aux cheveux blonds et vêtu d’un costume de camouflage… Je n’ai pas eu le temps de me demander qui était cette personne, ni d’où elle venait, qu’il fallait déjà que nous courions vers la tête du train. Comme nous nous y attendions, nous avons rencontré de la résistance : des gardes nous barraient la voie et nous tiraient dessus. La suite est assez confuse dans ma tête : je me rappelle que Lunatics s’est effondré et que j’ai tenté de le guérir, mais son corps était si couvert d’implants que ça m’a vidé. J’ai perdu connaissance à mon tour.

« La mission a été un échec total. Des vies ont été perdues à cause de notre manque d’expérience et de planification. Pire encore : nous avons été fait prisonniers par la Lone Star. Comment en étions-nous arrivés là? On nous avait prévenu que, en dernier recours, nous pouvions nous échapper du train en sautant dans une rivière que nous ne manquerions pas de croiser, ce que les personnes encore conscientes ont pu faire… mais la Lone Star nous avait déjà organisé un… comité de réception. Visiblement, quelqu’un était au courant de notre intervention et nous avait vendu. Nous avons chacun été mis dans des cellules individuelles, sauf Lunatics qui a été mis dans un bloc opératoire, probablement pour désactiver ses implants ou pour lui retirer des informations de la tête…

« La Lone Star n’a pas eu le temps de nous faire subir un interrogatoire: au bout de quelques heures, Dominia et Loki sont venues nous libérer. Si entrer dans le QG de la Lone Star a été facile, en sortir a été plus compliqué : quelqu’un a remarqué l’intrusion et a sonné l’alerte. Nous en devons une à Dominia : elle nous a prêté des armes et nous avons pu nous frayer un chemin vers la sortie. J’ai eu mon premier échange glacial avec cet espèce de Rambo sorti de nulle part : il demandait de l’aide contre les gardes, et je lui en ai demandé pour sortir la stupide boîte de conserve du bloc opératoire (avez-vous seulement idée du poids qu’un homme pareil peut peser?). « Damn human… »

« Pour prendre la fuite, nous avons… emprunté un Jeep, et Dominia a filé de son côté, à bord de son propre véhicule : beaucoup plus tard, j’ai appris que la poursuite s’était très mal passée de son côté et qu’elle avait failli mourir dans l’explosion de sa voiture, mais qu’elle avait du la vie sauve à des gens… De notre côté, nous avions les voitures de la Lone Star au derrière. Nous avons tiré sur eux, j’ai essayé de les faire déraper avec une plaque de glace (toujours se méfier de la glace, dans la Matrice comme dans la réalité), et c’est avec beaucoup de difficulté que nous avons réussi à les semer. Pour nous assurer qu’on ne nous retrouverait pas, nous avons piqué dans une forêt : il n’avait pas l’air d’y avoir de piste, mais Loki conduisait avec une main de maître. Nous étions tous épuisés et n’aspirions à dormir. J’ai réussi à m’assoupir, mais ma sieste a été de courte durée… »