vendredi, avril 14, 2006

7e partie: AEC

Karen se masse la tempe et soupire.

Avec du recul, je vois bien que notre vie n’a été qu’une succession de missions, et que nous n’avons jamais vraiment réfléchi aux conséquences de nos actes. Donner la sphère à Shannon a sans doute été très sage, mais il m’arrive de me demander ce qui serait produit si nous ne l’avions pas fait. Sans doute aurait-elle disparu quand ce cher Lunatics nous a trahi… Hmm… Je brûle des étapes, dans mon histoire ! Nous sommes encore loin de cet épisode… Nous avons eu le temps de recevoir une ou deux cargaisons d’armes et de munitions, et d’aller en mission encore à quelques reprises, avant que ÇA n’arrive…

Sa main blanche se tend une nouvelle fois vers son Perrier et le porte à ses lèvres. La jeune femme prend le temps de déguster sa gorgée, l’air vaguement triste et nostalgique, puis avale l’eau pétillante.

Ce qui s’est passé ensuite… Le but de cette mission m’échappe un peu… m’échappe beaucoup, je devrais dire. Est-ce que quelqu’un nous a envoyé en mission, ou est-ce une initiative de Flash ? Étrangement, je voterais pour la seconde hypothèse… Nul doute que les liens de sang sont plus durs à ignorer qu’on ne le voudrait, mais toujours est-il qu’on s’est retrouvés en mission… dans une base de l’AEC ! Celle-là même où le « grand frère » jouait les Dieux Omnipotents… Comprenez bien que l’idée d’une guerre entre Tir et l’UCAS me dégoûte, mais… c’était quoi le but de cette opération ? Mettre une balle dans la tête de Cecil Zender ? Régler des comptes ? Mettre la vie des membres de la Rébellion en danger valait-il ce prix ?

Elle soupire :

Enfin… Personne n’a discuté l’ordre de mission et nous sommes tous partis à l’aventure, une nouvelle fois, sans discuter…

Le terrain était patrouillé par nombre de véhicules… des tanks en fait. Lents, mais dangereux quand ils repèrent une cible. Nous avons donc planqués notre véhicule hors du périmètre de la base, base qui, je tiens à préciser, se tenait au bord d’une falaise. Nous avons été informés sur la structure de la base et savions qu’il y avait deux accès : le premier se trouvait sur le plancher des vaches… le second se trouvait en bas de la falaise, un accès plutôt bien dissimulé, créé à l’attention des sous-marins. Aucun bateau, même une planche de naufragé, n’aurait pu y passer, pour la bonne raison qu’il n’y avait tout simplement pas assez d’espace entre les eaux et le plafond rocheux. Alors, chef, c’est quoi le plan ?

L’air mi-dégoûté mi-exaspéré de Karen en dit long sur son appréciation de la stratégie utilisée…

La troupe descend le long de la falaise (où un escalier est à moitié dissimulé dans les parois abruptes) et fait le chemin à la nage pendant que Flash, fidèle à lui-même, se faufile entre les tanks et accède à la seconde entrée. ÇA, c’était notre plan à tout casser. J’ai protesté ! Si si ! Que croyez-vous, que tous les elfes sont des pros en natation ??? Que vouloir empêcher une guerre fait qu’une troupe est capable de faire 50 longueurs à contre-courant, ou de retenir son souffle pendant plus d’une minute sous l’eau ? J’ai un sort d’invisibilité : j’aurais eu mon utilité sur la terre ferme ! Mais, voyez-vous, on ne m’a pas vraiment écouté, ce qui a fait que j’ai du obtempérer, que je le veuille ou non… Si j’y laisse ma peau, ils l’auront sur la conscience, et ils auront des comptes à rendre à Shannon, voilà tout.

La troupe s’est donc divisée (en espérant que Flash savait ce qu’il faisait) et nous nous sommes rendus à l’extrémité du terrain, où nous avons effectivement trouvé un escalier en métal, étroit mais suffisamment solide pour supporter notre poids. Il ne nous restait plus qu’à nager… Hmm…

La jeune elfe interrompt sa narration sans raison apparente… à moins qu’une idée lui ait traversé l’esprit ? Elle semble en effet peser le pour et le contre… penche la tête sur le côté, réfléchit encore un peu, puis hoche la tête, un petit sourire coquin aux lèvres. Son sourire donne l’impression qu’une surprise se prépare, et qu’elle vous invite à en faire partie.

Dites… Ça vous dirait, de vous dégourdir les jambes ?

Sous votre regard surpris, Karen se lève et vous fait face. Quand a eu lieu ce changement de vêtements que vous venez de constater ? N’était-elle pas habillée d’une longue robe pourpre quelques instants plus tôt ? Non… maintenant, elle est vêtue d’un pantalon noir, d’une chemise en soie blanche et d’une veste en cuir pourpre. On devine, assez difficilement il faut dire, qu’un revolver (un Ares Predator ?) est dissimulé sous sa veste, prêt à l’utilisation.

La coquine savoure votre surprise, et quelque chose vous dit qu’elle n’a pas terminé encore… Elle se tourne à moitié et envoit son bras vers d’arrière : un grand ovale bleu électrique émerge de nulle part, debout et vous faisant face à tous les deux, assez grand qu’un adulte puisse y entrer.

Nous allons… comment dire… changer de réalité, si vous le voulez bien…

Sans un regard dans votre direction, elle s’y engouffre et disparaît : des éclairs blancs pétillent et s’agitent autour du portail pendant quelques secondes, puis l’énergie du cercle se calme. Vous hésitez un instant : tout ça est nouveau pour vous… Mais le major n’a-t-elle pas dit que tout ceci n’était qu’illusion ? Alors que risquez-vous ? Vous vous approchez lentement, puis passez un bras dans le cercle, pour y tester vos sensations. Votre peau vous démange un peu, sans doute un effet du portail magique. Ce n’est pas désagréable… Au final, vous vous décidez et bondissez dans le cercle lumineux…

… et vous manquez de heurter Karen, juste de l’autre côté. D’ailleurs, où êtes-vous ? Vous passez les secondes qui suivent à regarder dans toutes les directions, à enregistrer toutes les informations que vous pouvez. La première information qui vous vient à l’esprit est cette brise qui caresse votre visage. Vous êtes dehors ? Oui… oui, vous êtes à l’extérieur. D’ailleurs, il fait nuit noire et le maigre croissant de lune dans le ciel (et beaucoup de nuages) est à peine suffisant pour voir ce qui vous entoure. En d’autres mots, la soirée idéale pour infiltrer une base. Puis, vous remarquez que vous êtes à moitié entouré par une très haute falaise, le reste n’étant qu’une vaste étendue d’eau. Un océan ? Vous n’en êtes pas certain : même si vous ne voyez pas l’autre rive, vous trouvez que les vagues qui percutent la muraille de pierres sont plutôt faibles.

… Et un déclic se fait dans votre tête : d’un côté il y a la falaise (qui est à une dizaine de mètres de vous, et de l’autre la mer… Vous baissez la tête et regardez vos pieds… Vous marchez sur l’eau, et Karen également !

Êtes-vous vraiment si surpris ? L’elfe semble vraiment s’amuser de votre réaction. Et ça, qu’est-ce que vous en dites ?

Elle pointe quelque chose dans l’eau, à quelques mètres de vous… des nageurs ? Ils vont vers la falaise ? Vous reconnaissez la personne la plus à l’arrière du groupe, parce que c’est également celle qui vous raconte son histoire depuis plus d’une demi-heure. En même temps que vous avez le major Karen Franz debout à vos côtés, vous avez sous les yeux une copie conforme, nageant sur le dos, un petit bagage hermétique à la taille, la mine insécure.

Je ne suis pas une très bonne nageuse, et je n’avais pas envie de mourir si jeune…

Un peu plus loin, vous reconnaissez Lunatics, Blink, Hope et une autre personne qui vous est inconnue… En fait, Karen n’avait jamais mentionné qu’il y avait un troll dans votre équipe ! Quand vous lui en faites part, elle se gratte la tête et soupire.

Lui… Je dois vous avouer franchement que je l’avais oublié quand j’ai commencé à raconter mon histoire… Je… pense que je l’ai rencontré en même temps que les autres (Blink et Lunatics) et qu’il faisait partie de la bande de Whisper, mais… ce n’est pas un personnage très visible. Je veux dire, oui c’est un troll et il nous dépasse tous en grandeur et carrure, mais à part dire « Bonjour, mon nom est William » en vous tendant la main, il n’a jamais fait quoi que ce soit pour qu’on se souvienne de lui… En fait, pendant cette mission, il va poser un geste qui changera toute sa vie, mais là encore je ne suis pas certaine que ça sera suffisamment épatant pour qu’on se rappelle cet étrange compagnon…

Les nageurs poursuivent leur progression vers une falaise dépourvue de grotte. Se sont-ils trompés ? Et si il n’y avait pas le moindre accès après tout ? Le sujet de votre inquiétude est visible et compréhensible.

Il y a un accès. Regardez bien.

Au pied de la côte, les nageurs prennent une dernière respiration et plongent.

Ils vont en avoir pour une demi-minute au total. Ils pourront respirer dans une ou deux poches d’air prisonnières dans la roche, et parviendront de l’autre côté sans trop de mal. En fait, c’est de l’autre côté que ça se gâte…

Vous regardez à nouveau autour de vous. Le décor a changé à nouveau : vous êtes maintenant à l’intérieur d’une grand espace rocailleux. Il y a encore de l’eau sous vos pieds, mais elle se termine par un quai, contre lequel se trouve un sous-marin. Les deux hommes en patrouille sursautent quand ils entendent quelque chose émerger de l’eau et pointent leurs fusils dans votre direction… non… En fait, ils visent plus ou moins à la hauteur de vos pieds, mais ne tirent pas, pas encore. La Rébellion a commencé à faire surface, mais doit plonger à nouveau quand des balles rebondissent autour de ses membres. Lunatics prend couvert derrière le sous-marin, d’autres progressent davantage en faisant face aux hommes armés. La Karen du passé, ainsi que Blink ont opté pour l’extrême droite du quai, loin du sous-marin. Un des hommes armés sort une grenade et la lance en direction des deux jeunes femmes, mais déjà elles ont replongé. Les deux gardes sont en position avantagée et ça ne sera pas évident de s’en débarrasser, d’autant plus qu’il est imprudent de dégainer des armes à feu sous l’eau.

Ceux qui ont pu grimper sur un sous-marin ont été d’une grande aide, ce qui a permis à Blink et à moi de grimper sur le quai. Une autre grenade a revolé dans notre direction (avec le bagage que j’avais, ça aurait pu nous être fatal !... vous comprendrez bientôt…), mais heureusement sans faire trop de dégât ; j’ai contre-attaqué en lançant une boule de feu à mon adversaire. J’ai eu le temps de voir l’expression d’horreur se peindre sur son visage… Le feu a touché les grenades, l’homme a explosé. Le deuxième garde a été facile à éliminer : Lunatics s’en est chargé presque à lui seul.

Les gardes et soldats du sous-sol sont rapidement mis… hors d’état de nuire. La troupe parvient à mettre la main sur un ou deux émetteurs ennemis, s’accordant ainsi un avantage sur leurs adversaires. Flash signale sa présence : il a réussi à traversé le champ de tanks et a infiltré la base : il est à l’entrée et restera dissimulé jusqu’à ce que le reste de sa troupe se manifeste. L’expédition a finalement gravi les marches conduisant au rez-de-chaussée.

Arrivés là-haut, nous avons pénétré dans une grande salle qui était, possiblement, un hangar à tanks. Facile à déduire, puisque deux ou trois autres tanks s’y trouvaient encore. Puis nous avons vu quelqu’un immobile, dissimulé dans l’ombre : il aurait été facile de le descendre (il ne nous avait pas encore vu), mais nous avons préféré vérifier avant si il ne s’agissait pas de Flash. Un coup d’émetteur nous a appris que c’était notre « brebis égarée ». Nous étions à nouveau réunis, et je crois qu’il n’était plus tout à fait dans les plans que nous nous séparions. D’ailleurs, si on se fiait aux casques d’écoute ennemis, nous avions été repérés.

À partir du hangar principal, l’expédition prend un passage qu’un plan sur scanner leur indique : ils se retrouvent à gravir un haut escalier jusqu’au sommet d’une tour où se trouvait un ordinateur.

J’ai complètement oublié ce que nous avons recueilli comme information à cet endroit, mais je me rappelle ce que nous avons entendu sur les ondes ennemies quelques minutes plus tard…

Dans le casque d’écoute, on peut entendre la discussion suivante :

- Chef, les envahisseurs ont grimpé dans la tour principale.
- (voix criarde et hystérique) Alors faites sauter la tour !!!
- Mais, chef, l’ordinateur et les radars s’y trouvent !
- C’est une perte négligeable : il y a encore l’ordinateur principal. Faites ce que je vous ordonne, faites sauter cette maudite tour !!! »


Plus de temps à perdre, nous devions partir. Nous avons dévalé les marches peu de temps avant que les tanks commencent à attaquer et personne n’a été blessé. Nous étions de retour au hangar des tanks et leurs « joujous » s’y trouvaient encore… Ça m’a d’ailleurs donné une idée…

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